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11 2006

Traduire, déplacer, soigner, créer

Une activité mineure

Anne Querrien

J’ai retenu de mon trop bref passage à l’atelier Translate tenu à Paris[1] que le français n’étant pas une langue globale, ou mondiale, le problème de la traduction c'est-à-dire de la vie postnationale, ne pouvait pas se poser ou se traiter dans cette langue. Une langue mondiale serait après les langues impériales une langue qui traduirait vers elle la diversité des cultures existantes pour se les approprier, les digérer, les liquider. La langue mondiale, l’anglais, fonctionnerait à la manière des langues impériales vis-à-vis des peuples anciennement colonisés, et ce serait ces derniers qui dans la conquête de leur indépendance et le développement de l’autonomie construiraient en retour, dans la langue de l’Empire, l’anglais, l’espace critique dans lequel déployer l’altermondialité. Sans doute; et c’est donc d’un point de vue doublement disqualifié, mineur du mineur, que je vais essayer de reprendre les quelques points que j’ai évoqués dans l’atelier.

Je suis issue d’une région conquise par la France en 1492, la Bretagne, et descendante d’une minorité ethnique d’origine mongole, arrivée dans cette région personne ne sait comment (les Huns?), qu’on appelle les bigouden. J’ai sur la question de la langue l’inverse d’un point de vue global, un point de vue tout à fait mineur, d’ex-colonisée. Dans la Bretagne traditionnelle, les bigouden ne pouvaient accéder à la propriété de la terre et être paysans; ils faisaient donc des métiers artisanaux ou rendaient des services tels que bonne à tout faire, crêpière, laveuse, instituteur, facteur, artisan, etc… Les femmes bigouden n’avaient droit qu’à un seul rond de dentelle au milieu de la tête, comme dans la coiffe des jours de travail des autres bretonnes, alors que le dimanche les vraies bretonnes avaient une coiffe avec deux ronds de dentelle sur les deux côtés de la tête. Bigouden et bretons parlaient tous breton, semble-t-il, et de 1492 à 1882, dans cette région, comme dans tout le reste de la France, seule une petite élite urbaine ou aristocratique parlait français.

Cette petite élite avait conduit notamment la révolution de 1789, aristocrates, clercs et bourgeois, tous ensemble unis contre les lois libérales sur le commerce des grains et pour un certain nombre de réformes. La révolution était encore plus libérale que les dernières années de l’ancien régime, et ils en devinrent par conséquent les ennemis. Cette révolution se présentait pourtant comme bonne pour tous, et tenait à faire connaître partout la constitution qu’elle avait donnée à la république. Les députés réunis à Paris savaient que dans les provinces le français n’était guère parlé par l’ensemble des citoyens. Ils eurent l’idée de traduire la constitution dans les dialectes locaux. Une mission, dirigée par l’abbé Grégoire, fut dépêchée par l’assemblée constituante dans le département des Midi-pyrénées, aux antipodes linguistiques de la région parisienne, puisque fief de la langue d’oc, pour déterminer en quels dialectes traduire la constitution pour la donner à lire à tous les citoyens. Elle revint horrifiée: chaque village prétendait parler un dialecte différent, pour un seul département il fallait plus de mille traductions! C’était évidemment une blague du même genre que celles réservées aux agents recenseurs, ou encore à ceux chargés de dresser le cadastre. Prétexte en fut pris en tout cas pour déclarer langue nationale le français, de la cour de France, déjà normalisé par Malherbe au XVII siècle, issu en direct du latin et du grec à l’exclusion de toute contamination patoisante, anglo-saxonne, et de toute capacité d’évolution, surveillé et garanti par l’Académie française créée en 1666. La constitution fut écrite en français, et la langue française érigée constitutionnellement en socle de l’unité nationale.

En 1870 la France perdit la guerre contre la Prusse; Paris assiégée fut défendue par sa population, insurgée contre le gouvernement national capitulard réfugié à Bordeaux qui organisa la répression contre la Commune. Paris fut assiégée par les troupes loyalistes, formées notamment de soldats et d’officiers libérés pour ce faire par les Prussiens. Le 27 mai 1871 la Commune de Paris fut vaincue et ses réformes sociales prémonitoires abolies. Ce séisme politico-militaire fit prendre conscience aux élites de l’absence de consistance de l’unité nationale, de la multiplicité des "terroirs" disposant toujours chacun de son parler[2]. Dix années plus tard, en 1882, l’école devient gratuite, laïque, obligatoire et est officiellement chargée d’homogénéiser le pays, de forcer tout un chacun à parler la même langue, le français de cour. Les dialectes, appelés maintenant patois, sont interdits, même dans les cours d’école; les enfants surpris à parler breton, portent leurs sabots attachés autour du cou; cette punition est appelée "symbole". Dans tous les lieux publics est apposée l’inscription "il est interdit de cracher par terre et de parler breton". La langue locale, l’accent particulier deviennent la honte, une honte extrêmement bien gérée par les règles de notation et de mutation de la fonction publique chargée d’encadrer ce mouvement de promotion nationale, à commencer par le corps enseignant. Ce que je dis pour la Bretagne vaut en termes semblables pour toute la France, en particulier ce qu’on appelle aujourd’hui les départements et territoires d’outre-mer.

Mais dans cette école, qui porte à son fronton "liberté, égalité, fraternité", les petits bigouden se retrouvent brutalement à égalité avec les petits bretons, et les marginaux d’hier se retrouvent au même rang que les plus nantis. La dépossession de la terre, négative dans la société rurale, devient encouragement à apprendre dans l’école plus urbaine, surtout dans les lieux où l’histoire a donné à la minorité une réalité collective communautaire. Ceux qui se mariaient entre eux faute de mieux, deviennent à la génération suivante bons élèves puis fonctionnaires, et à la génération suivante hauts fonctionnaires. Un miracle sur lequel dans les années 1960 le Centre national de la recherche scientifique a fait une étude approfondie dans le village à forte communauté bigouden de Plozévet, près de Brest[3]. Dispersés, promus, les bigoudens, sont devenus français, et fiers de l’être, défenseurs de la langue qui les a sélectionnés, de l’excellence qui leur a été conférés, et potentiels oppresseurs de ceux qui en acquérant les mêmes avantages pourraient dévaluer les positions chèrement acquises. Dans cette histoire s’enracine le nationalisme des Français "intégrés".

Le français, langue d’émancipation, se transforme en langue de répression, de distinction, de sélection, d’exclusion, qui déteint dans son fonctionnement social sur toutes les langues qu’il approche. Il est difficile d’apprendre le français à un enfant, à un étranger, à tous ceux qui sont éloignés du pouvoir des mots. L’apprentissage du français est un apprentissage du pouvoir moins de communiquer que de dominer, de maîtriser. Dans ce français, langue impériale, la traduction est acculturation, accaparement, possession, adjonction au corps de connaissances légitime, national. Et le Français voit l’anglais ou toute autre langue sur le même modèle. C’est la guerre des langues, avec la traduction pour arme, et le traducteur comme agent double.

Le point de vue mineur sur cette histoire est celui du reste immense, largement inconscient, que produit cette épuration de la langue, cette transformation de la langue en instrument de domination. "On est tous dans le brouillard" a dit l’anthropologue Colette Pétonnet à propos des banlieues[4]. On est tous dans le brouillard, dans le flou, dans les particules dont est formé ce reste informe. Dans la langue française, le mineur est aussi celui qui creuse des trous par-dessous pour chercher du minerai utile ou des métaux précieux; dans l’armée c’est même celui qui va creuser des trous pour faire exploser le terrain à conquérir. Dans le monde animal c’est la taupe chère à Karl Marx, ou le rat dont notre vie souterraine est doublée, et qui autrefois nous a décimés par la peste décrite par Albert Camus[5].

Examiner quelques actes de traduire de ce point de vue mineur et souterrain, triplement exilé dans la langue mondiale, lanceur de ponts et de galeries entre le minuscule et le majuscule, sera maintenant mon propos: la traduction comme déplacement, la traduction comme soin, la traduction comme création.

 
Traduire et déplacer

Alors que dans la langue anglaise translation a le double sens de traduction et déplacement, dans la langue française la traduction fait passer d’une langue à une autre de manière équivalente quant au sens, alors que la translation déplace d’un lieu à un autre, ou d’une personne à une autre en conservant l’objet, la propriété et notamment les restes d’une personne défunte, dit le dictionnaire Petit Robert, bible de l’intellectuel autodidacte et des travailleurs du livre. Le traducteur opère ce passage d’une langue à l’autre, mais comme l’indique le mot translation, selon un vecteur orienté et de valeur fixe, sa propre évaluation de l’écart entre les deux langues, sa position dans l’entre-deux. Cette position n’est pas la sienne propre, mais plutôt celle du milieu et de l’époque à laquelle il appartient, et en fait celle de l’éditeur qui l’a choisi pour cette traduction, et dont la position entre les deux langues est sans doute différente. Editeur et traducteur ne lisent pas le texte à traduire tout à fait de la même façon, ne s’accordent pas parfaitement sur les mots les plus significatifs qui vont emporter successivement la présentation aux vendeurs, puis le communiqué de presse, puis l’accueil de la critique, enfin celui du public. Traduction et publication sont une épreuve, qui ne va pas sans déplacement, sans trahison: traddutori traditori dit le dicton italien. Mais si penser c’est traduire, et donc trahir dit Heidegger, en reprenant ce dicton dans Qu’appelle-t-on penser?[6] c’est que penser c’est déplacer les références; c’est faire advenir des références autres dans la langue dominante, seule à même de rémunérer suffisamment les traducteurs pour s’agréger toutes les formes de pensée, mais c’est aussi ouvrir des interstices dans ces références, faire vaciller, trembler les valeurs sûres, miner le référent dominant.

L’art mineur de la traduction opère parfois au sein de la même langue. Du Moyen Age à aujourd’hui, la langue française devenue maîtresse langue, désoralisée, dépoétisée, a fortement évolué. En témoigne par exemple l’étude d’Andrée May "Le discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie"[7].Analysant d’abord les quatre traductions vers le français de la nouvelle de Melville, Bartleby, et plus précisément la traduction de la célèbre petite phrase "I would prefer not to", elle note le choix par chacun d’un niveau de langue différent. Les quatre traductions diffèrent, emportant le lecteur vers autant d’horizons sans équivalence. A chaque fois le personnage de Bartleby est interprété différemment, translaté vers l’univers du traducteur, y compris sans le traduire comme Gilles Deleuze dans sa préface à la dernière édition de la nouvelle.

Le texte de La Boétie a été écrit au milieu du XVI siècle, au moment où se met en place la société de cour, qui va secréter en un siècle le français aujourd’hui officiel, républicain. La Boétie se demande comment peut-on en arriver à vouloir se laisser asservir dans la société de cour, à vouloir quitter son terroir pour devenir, à ses frais, un rouage infime de la machine de pouvoir. "Le redoublement des questions, le redoublement des réponses, la quête obstinée du mot propre à nommer l’innommable, et de ce fait, l’abondance des dénominations, dont aucune ne constitue le mot de la fin, caractérisent la stratégie rhétorique de La Boétie."[8] La première traduction en "français moderne" a lieu sous la Restauration, donc au XIX siècle, juste après la période révolutionnaire et bonapartiste. De l’aveu même du traducteur le texte a été adapté au goût du lecteur de l’époque, friand en dénonciation de toute forme de pouvoir, et notamment de la monarchie restaurée. Mais le rythme a été changé, les répétitions enlevées, des mots carrément translatés à l’époque contemporaine de cette traduction, tel mirmidon (sorti d’une chanson de l’époque) pour hommeau (qu’au XX siècle on traduirait par petit homme ou hommelet); le texte devient libelle, historicisé, approprié, et plus tard illisible dans un autre contexte. Alors que l’original est une interrogation en première personne du singulier, la traduction fouaille chez le lecteur, par un vous inquisiteur, la supposée compromission du lecteur avec le désir de servir, ou flatte son mépris pour les autres par l’usage d’un on vague et lâche. La recherche de liberté se transforme en accusation populiste.

De nouvelles interprétations surgissent après les journées de juillet 1830, et occultent l’analyse du désir de servitude au profit de la description des méthodes universelles de domination, qui viennent asservir une égalité et une liberté naturelles trop faibles pour se défendre. La Boétie est encore une fois trahi. Les interprétations suivantes ne masquent pas le problème de la servitude mais essaient de l’expliquer en avançant le désir d’unité nationale, d’unité du corps social, quand précisément La Boétie avait dirigé directement son texte "Contr ‘un", comme le soulignait une présentation pirate du titre original par les calvinistes parue peu après la parution initiale. Pour les socialistes, puis l’anthropologue Pierre Clastres le texte mettrait en scène la nécessité de lutter contre la formation de l’Etat moderne, mais cette formation serait inéluctable du fait des divisions de la société. La Boétie décrirait le surgissement du despote. Et un nouvel interprète récent Jean-Michel Rey souligne que le pouvoir s’ancre dans l’acceptation de tout lui donner, en tant que représentant ultime de notre propre désir individuel de domination. Obéir pour être obéi, la chaîne de la servitude se reproduit, mais avec le secours de la psychanalyse, dans un monde imaginaire, dans une illusion, alors que pour La Boétie la question était réelle: comment ne pas faire comme tout le monde?

Le traducteur s’est déplacé au fil du temps, translatant le texte d’un contexte à un autre. Pendant qu’il choisit ses mots pour insérer le texte dans son propre milieu, il opère une double représentation dont il met les résultats face à face: force questionnante du texte établi et résistant au temps qui passe, fragilité d’un public de circonstance et d’une conjoncture dévorante. Le texte, littéralement différent et toujours dégradé, se déplace, équivalent, prêt à recommencer.

 
Traduire et soigner

La mise en relation de contextes culturels différents façonne aussi le corps d’étrangers, migrants travailleurs principalement. La violence des anciens rapports coloniaux se transmue sur le territoire national en préjugés dégradants qui s’incarnent dans des dispositifs de travail, des dispositifs juridiques, des dispositifs matériels et tout un appareil de ségrégation et de classement. Les nouveaux arrivants, a fortiori lorsqu’ils proviennent des anciennes colonies, sont placés en dessous par tous moyens mobilisables et ce même inconsciemment. Norbert Elias a montré dans Logiques de l’exclusion que même hors contexte raciste, cette défense contre l’autre était quasi animale, et très sophistiquée[9]. En retour l’autodéfense fonctionne en miroir et, en parant le préjugé, le légitime. Erving Goffman[10] aux Etats-Unis et John Gumperz[11] en Grande Bretagne ont décortiqué ces interactions où n’est pas seulement agie la domination, mais une véritable capacité à configurer ensemble la réalité sociale selon les attentes dominantes du moment. La distance à la norme conduit, traduit, les contrevenants, chez les spécialistes de la médiation, travailleurs sociaux, conseillers juridiques, ou médecins. L’usage de la langue dans ces consultations règne en maître quand dans la rue l’interaction silencieuse donne plus de marges de liberté, y compris à l’agression malheureusement. Tobie Nathan, et le centre Georges Devereux, se sont spécialisés dans l’accueil des migrants souffrant de troubles de santé mentale. Des traducteurs y interviennent pour re-présenter aux patients questions, hypothèses et propositions du médecin dans la langue maternelle du patient. Tobie Nathan, analysant sa propre histoire professionnelle, avance l’idée qu’on ne peut être soigné que de la même manière que sa mère, ou peut-être son père, l’a été, et qui est la seule manière à laquelle on croit.[12] Or la thérapie est affaire de croyance. Comme de nombreux autres psychiatres il s’efforce donc de connaître les thérapies traditionnelles, de s’y faire initier et de les déployer le cas échéant. La traduction va au-delà du langage, vers une recréation ici de la vie là-bas, au moins dans l’espace de soins, proposé comme espace transitionnel.

Cette expérience s’oppose à toutes les visions adaptatives de la pratique psychiatrique qui font des troubles de santé mentale soit des déficiences physiques réductibles par la chirurgie et les médicaments comme les avancées scientifiques le permettent de plus en plus, ou des déficiences culturelles liées à l’absence du socle de connaissances fondamentales caractéristiques de la société "d’accueil", c'est-à-dire dominante. Cette deuxième hypothèse devient d’autant moins recevable que le niveau de formation initiale des migrants augmente et que les troubles d’adaptation sociale aiguillés vers les lieux de santé mentale concernent aussi les "deuxième génération". Un enseignement universitaire en banlieue avec ces jeunes m’a montré l’écart entre les représentations du même cadre de vie matériel et social: la "cité" est vécue comme un village, un espace d’interconnaissance, sous contrôle local, alors que pour le professeur elle semble un espace d’anonymat. L’entrée dans la cité est le seul espace public où l’étranger est évalué et passe dans l’indifférence s’il a l’air inoffensif ou est refoulé s’il est reconnu comme dangereux; là le professeur voit un check point. Entre les deux représentations, se font face deux, et non une, lignes de fuite: les modifications, ténues, qu’apporteront cette rencontre dans deux histoires de vie. La traduction est ici unilatérale et majeure, l’accueil de l’un dans l’espace de l’autre n’est pas suivi de la réciproque, mais inscrit dans un rapport d’enseignement, de traduction, d’intégration.

La dernière révolte des banlieues françaises en novembre 2005 fut dite aphone: il n’y avait pas de mots d’ordre, pas de leaders, pas d’explications, seulement des voitures qui brûlaient, et parfois une école, un gymnase, un théâtre, "ce qu’on leur a donné", "ce qu’on a fait pour eux". Les mots, l’interprétation, sont venus d’en face, de ceux qui regardaient, et qui ont trouvé comme solution de permettre à quelques-uns de franchir le fossé, de venir se ranger du côté intégré, de rentrer dans l’élite républicaine en sortant de leurs cités, comme il y a un siècle d’autres sont sortis de leurs terroirs. Non pas en tirant la communauté de son statut subalterne, ni en traduisant les aspirations de la communauté dans la langue des maîtres, mais en quittant la communauté. Certains de ceux qui échoueront dans cette carrière d’intégration deviendront peut-être traducteurs…

 
Traduire et créer

Le poète antillais Edouard Glissant[13] et l’anthropologue Ulf Hannerz[14] proposent une autre perspective: notre monde est en train de se créoliser, de se transformer en une fabrique de production de langages, dans laquelle des langues se perdent certes en abondance comme nous le rappelle l’UNESCO, mais dans laquelle des langages se multiplient et se singularisent encore davantage. Le langage forme moins une interface entre une communauté et le monde naturel, il devient une matière expressive dans laquelle tout un chacun crée sa propre partition, son itinéraire existentiel, tire sa ligne et joue sa carte. A l’ère de la reproductibilité technique de l’œuvre d’art[15], la traduction déplace dans un autre contexte les matériaux hérités et les donnent à agencer dans une esthétique relationnelle[16].



[1] "Polture and Culitics. On Political Prospects of Cultural Translation", 13–14 Octobre 2006, Maison de l’Europe de Paris; en collaboration avec Transeuropéennes et le Collège international de philosophie.

[2] Weber E., La fin des terroirs, Editions Recherches, Paris, 1984.

[3] Morin E., Commune de France, La métamorphose de Plozévet, LGF (nouvelle édition), Paris, 1984.

[4] Pétonnet C., On est tous dans le brouillard Editions du CTHS (rééd.), Paris, 2002.

[5] Camus A., La peste, Gallimard ( rééd.), Paris, 1996.

[6] Heidegger M., Qu’appelle-t-on penser?, trad. de l’allemand, (réed.), Presses Universitaires de France, Paris, 1998.

[7] May A., "Le discours de la servitude volontaire d'Étienne de La Boétie et ses traductions comme palimpseste", Chimères, n° 45, hiver 2003.

[8] Ibid., p. 126.

[9] Elias N., Les logiques de l’exclusion, trad. de l’anglais, Pocket, Paris, 2001.

[10] Goffman E., La mise en scène de la vie quotidienne, 2 vol., trad. de l’anglais, Minuit, Paris, 1973.

[11] Gumperz J., Engager la conversation, trad. de l’anglais, Minuit, paris, 1989.

[12] Nathan T., Nous ne sommes pas seuls au monde, Les empêcheurs de penser en rond, Paris, 2001.

[13] Glissant E., Esthétique 1, Une nouvelle région du monde, Gallimard, Paris, 2001.

[14] Hannerz U., Explorer la ville, trad. de l’anglais, Minuit, Paris, 1983.

[15] Benjamin W., L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, trad. de l’allemand, réed, Allia, Paris, 2003.

[16] Bourriaud N., Esthétique relationnelle, Presses du réel, Dijon, 2001.