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05 2002

Cheerleading radical en Pink&Silver. Culture de la manifestation : entre conformisme et confrontation.

Robert Foltin

Traduit par Francisco Padilla

Avec le mouvement de protestation global, des formes traditionnelles d'activisme de gauche comme les manifestations, rassemblements, etc. ont été supplantés par des formes d'action directes telles les barrages, l'occupation des lieux publics, etc.

Parmi celles-ci il y a des types d'action contenant des éléments carnavalesques pour lesquels le concept du Pink-Silver fournit un bon exemple. Dans ce cas, femmes et hommes utilisent des habits roses et argentés afin de rehausser, pour ainsi dire, leurs attributs féminins tout en dansant (de la samba dans la plupart des cas) lors des manifestations contre la police. Radical Cheerleading consiste en ce sens à réaliser des chorégraphies dans un contexte qui n'est évidemment pas propice pour ce type d'actions et spectacles. Outre le fait d'effectuer des mouvements plaisants, l'objet de ce type d'action consiste à contrecarrer les représentations prédominantes avec quelque chose d'inattendu dans un contexte de manifestation politique.


Contre l'ordres positifs ou négatifs

Les groupes politiques se voient toujours comme étant des dépositaires de la représentation d'une sorte de masse imaginaire. Leurs visées comprennent la représentation des parties entières de manifestations. De fait, comme l'ère des blocs organisés est finie, il n'y a plus (si jamais il y en a eu) de formes qui pourraient exprimer les différences des désirs et besoins des manifestants. Cette diversité non représentable des participants est néanmoins cataloguée ou mise en ordre par le discours dominant. Il y a d'abord les partenaires de discussion des puissants, à savoir, " ceux qui sont raisonnables " issus des partis traditionnels de gauche et des organisations non-gouvernementales (ONG), ensuite, il y a une diversité de petits groupes de gauche ou de gauche radicale qui rêvent de représenter des masses, et finalement il y a les participants infréquentables que les médias et la police construisent et désignent avec le terme " black block ". Les formes carnavalesques d'action essayent de ne pas se conformer à ces structures dominantes, ainsi que de ne pas rentrer dans les rituels de lutte urbaine dominés par la figure du mâle. Pour l'instant, elles ne sont pas intégrées, elles ne peuvent être non plus représentées en un sens négatif comme faisant partie du " block noir ".


Notre créativité contre le système capitaliste

Les rapports de travail au sein du capitalisme, tels que l'oppression et l'exploitation au sens large, se sont mis à changer massivement durant les décennies récentes (ils se sont développés dans une direction qui est d'une part, qualifié de post-fordisme, et, d'une part, de société de contrôle). Alors qu'auparavant nous étions standardisés et adaptés par des mécanismes institutionnels tels que l'école, le travail ou la famille, aujourd'hui, le système fonctionne par l'exploitation de notre créativité et nos aptitudes sociales et communicatives. La séparation entre le temps de travail et les loisirs, entre l'art et le travail et entre la publicité et la jouissance semblent être proches de la disparition. Nous sommes forcés de reléguer notre créativité ou de la vendre afin de fonctionner de manière capitalistique. Pink-Silver et d'autres formes carnavalesques nous donnent l'opportunité de rediriger, ne fut-ce que le temps d'une manifestation, nos désirs, notre créativité et notre vie à l'encontre de ce système capitaliste.


Rappropriation de notre corporéité

Les nouveaux rapports capitalistes sont également reliés avec d'autres formes d'exploitation de nos corps. Les capacités sociales et communicatives (en tant que capacités féminines) connaissent une demande croissante. Notre corps (du sourire de la caissière aux atouts sociaux et communicatifs présents dans les bureaux) joue un rôle fonctionnel de plus en plus important au sein de l'exploitation capitaliste. La distribution sexuelle spécifique du travail dans la production et la reproduction s'est progressivement déplacée de la famille à la société. Dès lors, l'expérience d'une action d'opposition par le biais de nos corps peut être comprise dans ce cadre comme un mode de rappropriation temporaire de notre corporéité.


Rendre la construction du sexe visible

Cheerleaders jouent un rôle dans l'affirmation de la sexualité corporelle spécialement dans la société américaine. Le contraste avec les joueurs de rugby et l'accent mis dans les caractéristiques secondaires du sexe constituent une affirmation des différences de sexe ; ces caractéristiques sont intégrés dans le contexte d'événements sportifs. Les manifestations et actions directes semblent par contre être sexuellement " neutres ". Cependant, à l'instar du langage et des représentations, la masculinité coïncide avec la généralité alors que la féminité et la femme constituent, pour ainsi dire, seulement un supplément : de la même manière qu'il n'y a qu'à ajouter un supplément linguistique à la langue (" Demonstrant-in " = " manifestant-e ") ou encore, où au chanteur masculin ou maître de stage s'ajoutent en arrière plan les corps féminins ; Pink&Silver et le cheerleading radical mettent les attributs féminins en avant-plan, déstabilisant ainsi le contexte " neutre " des manifestations.


Révolte en tant que carnaval

Le droit à manifester avait été introduit afin d'effectuer une mise en ordre réglée des modes de résistance pratiqués par certains groupes de la population. Auparavant, chaque manifestation prenait vite le caractère d'une révolte. Il y était donc question de défendre certains espaces publics contre le pouvoir d'Etat et ces espaces temporairement libérés donnaient lieu, de manière spontanée, à des célébrations. Les mouvements sociaux actuels sont également toujours liés à des formes de militance (" violence "). Ce n'est que lorsque les révoltes menacent de fissurer les cadres admis qu'elles créent des réactions de la part du public bourgeois conventionnel ; ce qui dénote par ailleurs de la première phase d'expansion d'un mouvement. Cependant, lorsque la militance devient un rituel de lutte, lorsqu'elle n'est plus spontanée mais organisée, cela constitue déjà un symptôme du déclin d'un mouvement, ainsi qu'une rigidité qui met un terme aux festivités et du coup au mouvement de révolte de celui-ci. Les formes d'action carnavalesques telles que Pink-Silver jouent dès lors un rôle dans l'anticipation des formes de vie liées au révoltes.

Pink-Silver constitue une possibilité d'employer la créativité et la corporéité accaparée par le capitalisme en dehors des carcans des formes traditionnelles de représentation. Dans ce contexte, il est alors possible de remettre en question la construction de la sexualité et d'anticiper certains éléments de la gaie révolte. Cependant, cette forme de manifestation n'est qu'UNE possibilité qui ne saurait avoir qu'une portée subversive limitée. Aussitôt que ces types de structure deviennent établies, elles commencent à faire partie d'une représentation contrôlable. La créativité et la corporéité deviennent, à l'instar de la figure féminine dans la société dominante, un simple ajout décoratif. La subversion des rôles sexuels serait affirmée dans la ritualisation et la répétition. Il n'en reste pas moins, à l'heure qu'il est, que ce type de pratiques représentent une possibilité d'entamer une rupture avec ce qui est " normal ". Lorsqu'elles n'auront plus de caractère subversif, il faudra alors chercher à nouveau d'autres formes de résistance.