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09 2002

Imag(in)ing Globalization. Ou comment quelque chose peut être rendue compréhensible lorsqu'il y a des images contradictoires de celle-ci?

Christian Höller

Traduit par Francisco Padilla

Lorsque l'on parle aujourd'hui de la "critique de la globalisation", l'on présuppose habituellement un accord implicite et celui-ci est présupposé à plusieurs égards: en référence à ce qui est précisément signifié par la globalisation et sa critique; en référence au point où cette critique est censée commencer; et finalement, en référence à la question de savoir comment un mouvement politique pourrait être construit sur base de cette critique (ou est déjà commencé à l'être). Néanmoins, ce qui est ici présupposé n'est pas seulement et habituellement une compréhension trop précipitée des termes, mais également un code visuel très spécifique à travers lequel la globalisation et sa critique se laissent comprendre de manière apparemment "naturelle".

C'est précisément ce code et sa nature exacte qui seront ici abordés. La question centrale consiste à savoir comment certaines définitions conceptuelles pourraient être atteintes aux niveaux de la communication et de la compréhension, étant donné que la "globalisation" est communiquée, pour la plupart des sujets critiques, tout d'abord par le biais de textes très spécifiques et des images et reportages des médias, bien qu'évidemment elle soit également bien inscrite dans la vie de chacun d'une manière très réelle. A cet égard, il peut être affirmé succinctement qu'il devrait y avoir une certaine unanimité du moins en ce qui concerne les cibles de la critique et de la contestation, sinon au niveau des enjeux de la critique de la globalisation.

La "globalisation", aussi loin que ce mot d'ordre peut être utilisé en un sens général, est visuellement exprimée par une série d'images, particulièrement des images médiatiques qui semblent hautement incompatibles au premier coup d'oeil. Durant le cinq bonnes années durant lesquelles ce topos a circulé également dans des médias populaires, et durant les dix bonnes années où cela a été le cas dans le champ de la théorie, l'on n'a point atteint un accord unanime autour de la définition du terme. Contrairement à ceci, si l'on jette un regard au paysage médiatique des mois et des années récentes, on pense, d'une part, aux protestations, largement réprimées avec violence, de Seattle, Washington, Prague, Göteborg, Gènes et ainsi de suite, dont le "pouvoir d'infection" (Klaus Theweleit) est seulement dépassé par les images qu'ont laissées les événements du 11 septembre 2001 dans la mémoire du public mondial. Presque diamétralement opposé à ceci, l'on trouve les images du complexe de l'industrie du divertissement qui représentent elles aussi une expression contemporaine de la "globalisation": des parcs à thèmes, des malls, des chaînes de fast food et franchises, des complexes multi-cinémas et ainsi de suite, qui suscitent tous l'apparence séduisante d'une "paix éternelle post-historique".[1] Ou pour utiliser un exemple différent: l'image d'une favela brésilienne, largement dépourvue de connexion infrastructurelle, en contraste de celle d'une gated community protégée, reliée au monde extérieur premièrement par le biais des télécommunications sans câble.

Entre-temps des contrastes de ce type circulent également dans le champ artistique: le peintre Dierk Schmidt, par exemple, utilise dans l'un de ses travaux les plus récents un passage de "L'esthétique de la résistance" de Peter Weiss afin de spéculer sur la décoration artistique du salon d'un ministère de l'Intérieur selon les exigences de notre actualité. En une série de trois tableaux huile/acrylique, il reintreprète le tableau "La liberté" de Delacroix et "Le radeau de la Méduse" de Gericault pour le présent capitaliste global: le spot publicitaire bien connu de Nike pour la coupe du monde de 1998 est superposé sur "La liberté", lorsque l'équipe brésilienne dépasse avec aisance les checkpoints de sécurité d'un aéroport; "Le radeau de la Méduse" devient par ailleurs un bateau de réfugiés naufragé sur les côtes de l'Australie, et la forme contemporaine de subjectivation qui y prend effet est littérairement rétrécie à la "vie nue" (Giorgio Agamben). Toujours est-il - telle pourrait être une objection contre Agamben tirée de l'option de représentation de Schmidt - que la souveraineté endommagée des sujets en rade est au moins encore reconnaissable comme un contour obscurci[2]. Bien qu'elle soit réduite à un minimum, elle est encore là.

Toutes les images mentionnées ci-dessus semblent exprimer des tendances hautement contradictoires, et surtout des effets locaux de la "globalisation", mais difficilement une régularité universelle. Ce qui domine ce sont des expressions auxiliaires, et pas la moindre des choses, des images provisoires un peu partout: des béquilles visuelles comme le logo Nike (ou la demande subséquente du "no logo"), des travailleurs exploités dans une usine de Nike en Indonésie (qui sont en fait difficiles à voir, mais qui peuvent être mentalement rappelées à chaque moment), des lutteurs masqués de la liberté, l'outil de communication universel (le "hand-held communicator"), des passagers de la classe d'affaires et également, de plus en plus, de la classe économique, sans oublier l'intellectuel voyageur ou "l'expert qu'on envoie chercher par avion", comme on l'a récemment formulé avec pertinence[3]. De fait, il semble que le travail immatériel des conditions de production contemporaines soit beaucoup plus difficile à saisir par des images substantielles que ce qui était le cas avec la majorité de travailleurs manuels dans le capitalisme industriel[4]. Ou bien il y a quelqu'un qui ne peut pas se rappeler immédiatement à l'esprit les photographies, mille et mille fois reproduites, d'un Lewis Hine, Walker Evans ou August Sander avec la mention des mots clés "exploitation capitaliste", "paupérisation" ou "pauvreté"?

Bien qu'il n'y ait pas d'absence d'emblèmes individuels impressionnants pour "l'exploitation capitaliste globale", il semble que chacun de ces emblèmes indique toujours et simplement des côtés partiels et symboliques de ce qui constitue un contexte plus grand et moins facilement représentable. Ce sont des aspect partiels dont chacun a une certaine signification séparée, mais qui ne nous mettent pas en position d'être capables de comprendre les processus "producteurs de réalité", qui sont à l'œuvre aujourd'hui, dans un contexte plus large, et, plus que tout, dans leur multi-dimensionalité. Par contre, les flux transnationaux de capital ou encore les "flux des idées" (les soi-disant "idea-scapes"[5]) restent captifs d'une étrange invisibilité. Les "flux" globaux, qui contribuent de manière substantielle à la formation des contradictions mentionnées ci-dessus, semblent éluder de manière persistante les formes conventionnelles de visualisation - que cela soit dans les médias de masse ou dans l'art. Ce que nous pouvons voir, ce ne sont le plus souvent que les effets de quelque chose pour laquelle n'existent pas de représentation obligatoire.

Peut-être qu'il serait bon de se focaliser autour des lacunes constitutives du concept même de globalisation qui sont parfois très concisément ramenées à l'esprit dans les projets artistiques: dans un projet audio du groupe Global Dustbowl Ballads (composé de Clemens Krümmel, Rupert Huber et la voix d'Alice Creischer), ce type de "faillite nécessaire" est transposé dans le son. Des textes de Woodie Guthrie étaient d'abord introduits dans une machine de traduction sur Internet et le résultat - de l'allemand mécanique et déformé ayant encore quelques traces du socialisme utopique des classes travailleuses américaines - était à neuf chanté sur des boucles techno mélodieuses et minimalistes. Ce qui résulte est exactement ce que l'on pourrait attendre à la lumière des principaux problèmes de traduction en rapport aux propos le plus divers de la critique de la globalisation: "L'homme de working de gamblin >riche homme est et< est pauvre et Je ne va recevoir plus de maison dans ce monde".[6] Plus de maison dans ce monde? Combien de migrants et de travailleurs déplacés autour du monde pourrait chanter cette chanson?

Peut-être alors, c'est précisément ce type de productions culturelles dont on a besoin, qui peuvent produire, sinon des concepts, alors pourtant des images (visuelles, acoustiques, etc.) des processus qui produisent du réel et des contradictions, qui sont généralement réduits à la formule "globalisation". Il se peut que ce soit même là, où une fonction primaire du champ culturel et artistique pourrait être trouvée aujourd'hui (et bien sûr, je parle seulement d'une portion minuscule et d'une zone marginale de ce champ) spécifiquement en revêtant ces processus d'une visibilité qui ne soit pas seulement superficielle, à savoir, comme une précondition pour être même en mesure d'imaginer des formes de "mises en réseau résistantes"[7], sans égard que l'on en donne une emphase plus culturelle ou politique. Dans la même mesure que la "globalisation du bas"[8] - en contraste avec la "globalisation entrepreneuriale" qui semble être imposée du haut - devient un sujet de recherche de plus en plus brûlant, une culture visuelle critique envers la globalisation pourrait être encouragée à produire des images des ces courants et tendances contradictoires actuels, particulièrement celles "du bas".

Des tentatives de ce type de visualisation se trouvent entre-temps dans des médias artistiques forts différents, allant du film, la vidéo et l'installation vidéo - par exemple, il y a le travail de multiperspective de Chantal Akerman sur la région frontalière entre les USA et le Méxique ("De l'autre côté", 2002) -, à la photographie - telles que les séries détaillées "Fish Stories" (1990-95) et "Dead Letter Office" (1997) d'Allan Sekula - jusqu'aux cartographies multimédiatiques des conjonctions politiques et économiques transnationales. Ces dernières sont compilées, par exemple, par le groupe strasbourgeois Bureau d'études, qui prend pour point de départ les corporations françaises et ses branches internationales.[9] Un autre exemple réussi avait été exposé lors de la Documenta 11 sous la forme d'une installation multimédia "A Journey Through a Solid Sea" (2002) par le groupe milanais Multiplicity qui avait pour but de représenter la zone méditerranéenne comme une zone de corrélations migratoires et économiques, mais aussi biologiques et criminologiques. La manière dont on devrait s'imaginer aujourd'hui la vie des individus tout au bout de la "chaîne de la globalisation" , est montrée, par exemple, par des reportages - également exposés au Documenta 11 - du photographe indien Ravi Agarwal (travailleurs dans le Gujarat du Sud en Inde) ou dans les essais photographiques d'Olumuyiwa Olamine de Osifuye sur la vie des rues à Lagos, Nigeria.[10] Sabine Bitter et Helmut Weber abordent la dimension du développement urbain et architectonique de cette "chaîne" dans leur projet vidéo et photographique "Live like this!" (2000) dépeignant un complexe résidentiel à Rio de Janeiro comme un symbole - se délabrant lentement - de la modernité globalisée. C'est également le type de thème que Florian Pumhösl présente de manière exemplaire, en le disposant réflexivement en éventail, dans plusieurs installations vidéos sur des "ruines modernistes" individuelles au Madagascar, Ouganda et Tanzanie.

Des "cartes mondiales" graphiquement conçues et politiquement interprétées ont existé partiellement depuis le début des années soixante-dix, chez des artistes comme, par exemple, Öyvind Fahlström ou Aligieri e Boetti qui a (littéralement) cousu une carte mondiale à partir des drapeaux nationaux sous la forme des pays qu'ils représentaient. Cela trouve aujourd'hui un supplément par une forme artistique hybride qui pourrait être appelée des sketches du néolibéralisme dressé par les médias ou des traductions graphiques sculpturales de ce que Patti Smith chanta une fois comme "l'OMC blues".[11] La contribution d'Andreas Siekman à l'exposition "du bist die welt" (Künstlerhaus Vienne, 2001), où l'on trouve une sculpture de l'auto-assemblée DIY composée de petites figures de plastique et représentant un sommet économique mondial quelque part dans les Alpes suisses, en est un bon exemple, ainsi que l'installation de Thomas Hirschhorn "Wirtschaftslandschaft Davos" ("Paysage économique Davos") (2001), qui poursuit le même type de propos, seulement dans une dimension plastique plus large. De manière plus récente, Siekman est allé encore plus loin dans son exposition "Die Exklusive: Zur Politik des ausgeschlossenen Vierten" ("L'exclusif: sur la politique du quatrième exclu") (Salzburger Kunstverein, 2002): l'exposition met en scène les politiques drastiques d'exclusion et d'évacuation employées entre-temps par les appareils de sécurité autour du monde contre les manifestations et assemblées lors des soi-disant "sommets globaux". Et finalement les séries de photo de Lisl Ponger "Sommer in Italien" (2001) - également présentées lors de la Documenta 11 - sont consacrées aux encochements concrets des politiques de sécurité et des actions policières dans le paysage urbain lors du sommet G7 à Gènes en juillet 2001.

Il reste à savoir dans quelle mesure ces visualisations peuvent adéquatement faire le portrait des contextes plus larges mentionnés ci-dessus; dans quelle mesure une cartographie générale de la "globalisation" devrait être compréhensive afin de représenter non seulement des effets partiaux - aussi drastiques qu'ils puissent être dans les cas individuels - mais plutôt l'entrelacement des causes et des effets à des niveaux très différents. De retour donc à ce que le regard peut embrasser, au local? Ou plutôt à la question concernant quelles dimensions une image exemplaire de la "globalisation" devrait comprendre, ou est, de manière réaliste, capable de comprendre. Comme nous le savons, le spectre va du concret et du local jusqu'au plus large et universel, et la ruse stratégique décisive consiste probablement à relier un extrême a l'autre de telle façon que les nombreuses étapes médiatrices ou les différentes "échelles"[12] continuent à être compréhensibles. Dans ce contexte, Alexandre Kluge a une fois remarqué que la «globalisation» commence pour lui au point où un travailleur d'usine allemand montre à un travailleur d'usine chinois comment viser un boulon dans une pièce de métal correctement.[13] Ceci nous ramène en dernière instance aux scénarios ou sites d'échange très concrets, auxquels s'attachent certaines contradictions et contremouvements qui peuvent à leur tour être déchiffrés de biais comme des produits de la "globalisation".

En fait, l'échelle du local est souvent présumée comme le cadre déterminant des modes culturels, économiques et sociaux de production et de reproduction.[14] En même temps, une expressivité spéciale est attribuée à cette échelle eu égard aux processus transrégionaux, transnationaux et même transcontinentaux. Et peut-être, en couvrant méticuleusement chacune des ces constellations locales - ce qui impliquerait bien sûr une tâche pratiquement sans fin -. il pourrait réellement être possible d'arriver graduellement à quelque chose comme une "vue planétaire" ou "une conscience planétaire". Ceci est une fantaisie dont on trouve aussi bien des échos dans les constructions d'Internet comme un "Weltgeist" ("esprit du monde") dématérialisé - mais il s'agit bien seulement d'une fantaisie.

Une vue de ce type, qui pourrait avoir une composition plus proche du mosaïque que du fantasme, devrait manifester sans aucun doute un caractère de patchwork. Toutes les visualisations mentionnées ci-dessus devrait y être inclues démocratiquement, de manière que l'étendue conceptuelle de la "globalisation" pourrait être révélée: des images des favelas brésiliennes le long des banlieues californiennes; McDonald's à Téhéran à côté d'une épicerie perse anonyme dans quelque ville occidentale. Ceci devrait être ajouté avec les mappings ("mises en plan") mentionnées plus haut, avec la saisie multimédiatique de flux d'argent, capital, travail et idées (aussi difficile que cela puisse être), et avec la documentation par le biais de films des conditions concrètes de vie sous les conditions politiques et économiques néolibérales. Et tout ceci devrait se référer non seulement aux sites "typiques" ou les plus connus de la "globalisation", mais également à ceux qui sont les plus "atypiques" et "cachés" - toutes les localités qui sont constamment produites ou "formatées" à neuf par le processus contradictoires de la "globalisation".[15] De cette manière, il pourrait être possible d'arriver lentement à une image en nombre de parties, hétérogène et - en un sens positif - disparate qui pourrait former la fondation épistémique pour les mobilisations politiques se construisant sur celle-ci.

Finalement, les images individuelles du local pourraient seulement prétendre à une certaine "validité" ou "expressivité" dans la mesure où elles arrivent aussi à réfléchir sur les sphères d'influence et les forces, superordonnées et souvent temporaires, auxquelles les lieux représentés sont exposés. Un exemple d'un domaine apparemment éloigné: l'un des aspects les plus intéressants et paradoxaux de la culture électronique récente est qu'il semble participer dans la production de nouvelles formes de localisation, voire ancrage à un lieu . La raison pour laquelle ceci est paradoxal est que cette culture - en commençant par la techno, par exemple, et ses subgenres largement proliférants - était à ses débuts fortement associée avec une non-localisation très spécifique. Forcée par l'"esprit" d'une utopique absence de bornes ou le dépassement, orienté vers l'avenir, des restrictions matérielles (et donc également locales) existantes, cette musique était soutenue dès le début par une conscience globale douteuse et amorphe. Cette conscience pouvait être codée d'une manière ésotérique (sous la forme d'un esprit holiste du monde), romantiquement inclusive (comme un rejet de toutes les idées d'exclusion) ou simplement pragmatique (comme un son d'accompagnement du processus sans arrêt de "globalisation"). Cependant, l'on peut actuellement souvent observer des "nœuds récursifs géographiques" de cette musique globale, même si cela ne se fait que sous forme d'attributions de certaines "signatures sonores". En bref, la culture électronique en expansion constante est exposée à un processus contraire en lui-même: d'une part, les différences locales, à partir desquelles "la culture globale" se dessine substantiellement (du moins au niveau de la consommation), jouent un rôle d'importance croissante, c'est-à-dire, les différences locales s'inscrivent dans le soi-disant global; d'autre part, l'engrenage économique en dessous de la surface de cette "culture globale" apparemment unifiée est constamment en train de produire de nouvelles inégalités. En d'autres mots, le global est aussi inévitablement incarné dans le local.[16]

Une vue (et visualisation) plus compréhensive de la "globalisation" qui part du local n'a dès lors d'autre choix que d'élargir la spécificité du lieu (par ex., de la production culturelle) fréquemment citée et de la voir comme une interaction plus complexe de forces superordonnées. Ou dans les mots du géographe David Harvey, elle n'a pas d'autre choix que de regarder la globalisation comme un "processus de production de développement temporel et géographique dissemblable"[17]. Les images notoires d'une cage, piège ou prison ne sont pas suffisantes. Une meilleure manière de rendre la "globalisation" compréhensible - qui serait encore de loin éloignée d'une conceptualisation persuasive - devrait commencer conséquemment par son caractère productif et en processus et tenter de démontrer cette "productivité" sur base des nombreuses petites asynchronités et dissemblances dans la fabrique actuelle de la société (sans égard où). En tant que force de différentiation - et justement non pas de homogénéisation -, la "globalisation" inscrit des différences de plus en plus drastiques dans des géographies et des temporalités, telles que les différences entre "touristes" et "vagabonds", comme Zygmunt Bauman l'a dit; ou celles entre les demandeurs d'asile et une nouvelle "classe délibérante", qui n'est le plus souvent que marginalement concernée par des problèmes quotidiens, mais fondamentaux, comme l'est le droit de résidence; et finalement celles entre (nous) "des gens libres" et les "acteurs du mal" quelque part là dehors, tel que nous avons été en train de l'entendre ce dernier temps. "Keep on rockin' in the free world" est ce que Neil Young chantait déjà en 1989, l'année du changement, seulement pour constater auto-réflexivement au même instant: "Don't feel like Satan, but I am to them." En 2002, Young avait fait une volte-face patriotique à la lumière des événements, et il se pourrait - dans une perspective de plus long terme - que ces mots ne s'appliquent à personne de mieux que lui-même: "Let's roll for Freedom / Let's roll for Love/ We're going after Satan / On the wings of a Dove".[18]

Dans cette dernière opposition, il y a déjà un nouveau code visuel et conceptuel au travail - un code dans lequel on donne à la "globalisation" son expression la plus actuelle dans la formule liberté vs terreur. Ceci est un code qui doit être sans cesse affronté si nous sommes censés arrivér un jour à une image plus adéquate et peut-être même à un concept approprié de "globalisation". 



[1] Cf. sur ceci David Harvey, Spaces of Hope, Berkeley/Los Angeles, 2000, p. 133.

[2] "Illegal Migration is globalisation from below" (McKenzie Wark, Globalisation from Below: Migration, Sovereignty, Communication, nettime mailing list, 16 janvier 2002, www.nettime.org).

[3] Cf. Sebastien Lütgert, Die Nomaden des Kapitals, in: Starship, 5 (2002), p. 56.

[4] Ainsi Sergio Bologna, par exemple, en discussion avec Klaus Ronnenberger et Georg Schöllhammer, in: springerin, 4 (2001), spécialement p. 22.

[5] L'un/e des forces/flux les plus décisifs/ves dans la théorie de Arjun Appadurai, voir son livre Modernity at large: Cultural Dimensions of Globalisation, Minneapolis/London, 1996, p. 33, voir également Appadurai, "Grassroots Globalization and the research imagination, in Public Culture, Vol. 12, Numéro 1 (hiver 2000), pp. 1-19.

[6] "Global Dustbowl Ballads", dans l'exposition Die Gewalt ist der Rand aller Dinge, Generali Foundation, Vienne, du 16 janvier au 21 Avril 2002, voir le catalogue du même titre, Vienne/Cologne 2002, p. 87.

[7] Gerald Raunig dans l'exposé de la conférence Transversal, cf. version imprimée in: Malmoe, 04 (2002), p. 18.

[8] Cf. de manière exemplaire Jeremy Brecher, Tim Costello, et Brendam Smith, Globalization from below: the power of solidarity, Cambridge MA, 2000; Maria Mies, Globalisierung von unten: der Kampf gegen die Herrschaft der Konzerne, Hambourg 2001; et Arjun Appadurai, "Deep Democracy: Urban Governmentality and the Horizon of Politics", in: Public Culture, Vol. 1, Numéro 1 (hiver 2002), pp. 21-47.

[9] Cf. Brian Holmes, "Kartografie des Exzesses, Suche nach Nutzung", in: springerin, 1 (2002), p. 18.

[10] Pour toutes les informations sur la Documenta 11, voir également: www.documenta.de

[11] "Genius stalking in new shoes / Have you got WTO blues", tiré de la chanson "Glitter in Their Eyes", sur Gung Ho, Arista, 2000.

[12] Cf. Harvey, Spaces of Hope, pp. 233 ss.

[13] Discussion publique au Musée du Film Autrichien, 6 Avril 2002; voir également Oskar Negt et Alexander Kluge, Der unterschätzte Mensch, Vol. I, Francfort sur Main 2001, p. 28.

[14] L'on peut considérer comme représentatif de cette discussion A. Appadurai, Modernity at Large, p. 178.

[15] Cf. ibid., p. 188 ss.

[16] Cf. Christian Höller, "Around the world? Around the world! Global Electronica zwischen Differenzausbeutung und kultureller Demokratisierung", in: springerin, 2 (2001), pp. 8-11. Version anglaise dans www.springerin.at/en, >backlist, >issue >2/01, >net section; et Christian Höeller, "Nicht-lokale Orte und lokale Nicht-Orte / Local Non-sites, Non-Local Sites", in: Sharawadgi, Christian Meyer et Mathias Poledna (éd.), Cologne 1999, pp. 169-198.

[17] Harvey, Spaces of Hope, p. 60; cf. sur ceci également "Geografie der Ungleichheit. Interview mit dem Postmoderne- und Globalisierungstheoretiker David Harvey", in springerin, 1 (2001), pp. 18-22.

[18] "Let's Roll", sur: Are you Passionate? Reprise 2002.