02 2008
À la conquête du « sommet de l’art sociologique »
la pratique autoréflexive de Pierre Bourdieu à la lumière de l’archive photographique
Traduit par Pierre Rusch
Publier après 40 ans l’ensemble des photographies prises par Pierre Bourdieu en Algérie, c’est au sens benjaminien « déballer » une archive : il s’agit de prendre en main chacun de ces clichés, de raconter son histoire — le sujet, le temps, le lieu, les circonstances où il a été réalisé — et de le situer, relativement à divers contextes discursifs, au sein de la pratique de son propriétaire[1]. À travers cette logique d’archive, les photographies réorganisent les différentes formes de la pratique bourdieusienne en de nouvelles constellations, qui en déplacent la signification[2]. Elles illustrent, corroborent, étayent ainsi les théories développées dans les écrits scientifiques de l'auteur — quand ce ne sont pas elles qui les génèrent ; mais en même temps, elles ne se laissent pas enfermer dans ce rôle univoque, elles fonctionnent aussi comme un miroir (déformant) des théories, dont elles grossissent, transforment ou réagencent certaines parties. Les réflexions suivantes voudraient étudier ce déplacement. Le cadre en est fourni par les différents usages auxquels ces photos ont donné lieu depuis le retour de Bourdieu en France en 1961 : après les avoir presque totalement écartées de son travail scientifique pendant quarante ans, l'auteur recommence à s'y intéresser au moment où il s'engage dans l’essai d' « auto-analyse sociologique » qui l'occupe à partir de 2000[3].
La signification de ces photographies pour la pratique de Bourdieu tient essentiellement au fait qu’elles éclairent — bien qu’elles représentent une partie seulement de la liasse constituée à l’époque — un habitus déterminant, ainsi que la posture qui en découle : elles traduisent à plus d’un égard la position ambivalente et déchirée qui était celle de Bourdieu — face à son objet, à sa discipline scientifique et à son environnement intellectuel —, dans laquelle on peut voir aussi bien un ressort de son travail qu’une justification de sa signification politique.
Sur le plan du motif, beaucoup de ces photographies ont en commun de se confronter à des « réalités dissonantes[4] » : la superposition de structures spatio-temporelles hétérogènes, sous l’effet du choc des cultures agraire et industrielle dans la phase de bouleversement historique des années 1950 et 1960. Les implications socio-économiques, religieuses, urbanistiques ou techniques de ces changements trouvent leur expression dans des images qui montrent le contraste entre les constructions traditionnelles et les réalisations nouvelles, la motorisation des campagnes, les magazines accrochés à la devanture des kiosques, les matériels exposés et les visiteurs dans une foire commerciale ou le travail dans un vignoble. S’ils composent le portrait d’une phase d’évolution de la société algérienne, ces contrastes témoignent en même temps de l’incompatibilité qui court comme un fil rouge à travers la trajectoire de Bourdieu. Il parle à plusieurs reprises dans Esquisse pour une auto-analyse de son « habitus clivé », produit d’une « conciliation des opposés[5] ». Cet habitus résultait en premier lieu de sa propre origine sociale, qui le distinguait de la plupart des représentants du champ scientifique et intellectuel, mais il était aussi le fruit de sa méthode scientifique autoréflexive, qui le mettait en conflit avec les disciplines dans lesquelles il évoluait - d’abord la philosophie, puis la sociologie. Avant tout, sa position ambivalente relativement au monde des intellectuels tenait à sa dénonciation du « biais scolastique » qui amène le chercheur à considérer le monde de l’extérieur, comme un simple spectacle : à quoi il entendait substituer un engagement empreint de sympathie et de compréhension[6]. Ce sentiment de vivre une « vie dédoublée » explique la sympathie du sociologue pour la figure de l’ahmabul — une personnalité décalée, imprévisible et douée d’un profond discernement, « qui se tient entre toutes les chaises, entre différents modes de vie, différentes cultures, parfois même entre différentes religions », et qui est pourtant « très écoutée et très respectée » ; le même sentiment l’amène à choisir des sujets photographiques où se rencontrent les divergences culturelles, sociales et économiques[7]. Reprises et variées, les formes de l’incompatibilité possèdent en outre une dimension structurelle dans cet ensemble. Même le corpus restreint qui nous a été conservé suffit à montrer que Bourdieu ne se contentait pas de clichés isolés, mais prenait d’un lieu ou d’une situation donnés un grand nombre de photos, avec de légers décalages dans le temps ou d’imperceptibles changements d’angles. Seule l’exposition complète met en évidence les séries que constituent par exemple les vues de la rue d’Aïn Aghbel, dans la région de Collo[8], les images du carrefour ou du kiosque à journaux de Blida[9], celle des camps de regroupement de Djebabra, dans le Chélif[10], ou du sulfatage des vignes dans la plaine de Mitidja[11]. Les séries atténuent la force documentaire de l’image individuelle, ne capturent l'objet que par le biais de la vision groupée et l’inscrivent dans une succession temporelle. Elles révèlent en outre la part de représentation que comporte l’acte photographique, opposant ainsi une dimension subjective à la prétendue objectivité de cette technique. L’articulation de l’approche subjective et de l’approche objective, que Bourdieu tentera de préciser dans Un Art moyen[12] peu après son retour d'Algérie, constitue une première expression de sa volonté de prendre les processus d'objectivation scientifique eux-mêmes comme objets de l'objectivation scientifique. Le projet sera poursuivi dans divers contextes au cours des années suivantes[13]. Cette manière de revenir sur le même objet ou sur des objets semblables est aussi un geste de défiance envers les énoncés et les résultats de la recherche scientifique, par lequel il se met lui-même à distance de sa discipline. La photo n’affirme pas : « C'est ainsi[14] », elle montre une façon possible pour les choses d’apparaître. L'objet présenté est inséré dans un système modifiable de positions, telles qu’elles ont été adoptées à un moment donné. Etendus à l'ensemble de sa pratique, ce « papillonnement » par lequel il refusait le « rétrécissement de son domaine d'objet », ce « doute radical » envers la doxa scientifique et ses règles, mirent Bourdieu lui-même dans une « position impossible » au sein du microcosme sociologique et firent de lui un « hors-la-loi[15] »
Le déchirement dont témoignent le choix des sujets et la composition des images se retrouve tant dans l’attitude que le photographe Bourdieu adoptait relativement à ses objets, que dans la manière dont il se servait des clichés obtenus. D'une part, ses photos se caractérisent par la distance respectueuse à laquelle il se tient de l'objet photographié. On n'y trouve ni instantané indiscret, ni gros plan envahissant, ni portraits de groupe arrangés. Les personnes sont souvent prises de biais, de dos ou à profil perdu, l’appareil ne semble pas tant les avoir fixées dans une attitude figée, que les avoir regardées passer devant lui. Ainsi, dans une rue de la région de Collo, les porteuses d’eau défilent isolément ou en groupe devant l’appareil[16] ; à un carrefour de Blida, un large échantillonnage de passant(e)s apparaît dans le champ de l’appareil, sous des angles à peine changés[17]. Les chemins, les rues, les enfilades de maisons - tout comme les alignements de personnes ou d’objets - ménagent souvent une échappée d’un côté ou de l’autre à l’arrière-plan[18]. Même quand les personnes photographiées se tournent vers le photographe et regardent droit dans l’objectif, comme par exemple dans les vues d’Aïn Aghbel[19], l’appareil lui-même semble garder ses distances et laisser aux individus leur espace d’image et de mouvement.
D’autre part, Bourdieu recourt au médium photographique pour « comprendre », donc pour réduire la distance et créer une proximité avec le sujet photographié. Ses clichés ne témoignent pas seulement de son « amour pour le pays », ils doivent aussi signifier aux paysans et aux paysannes, non moins qu’aux citadins d’Algérie : « Je m’intéresse à vous, je suis avec vous[20]. » Ils attestent sa résolution de ne pas envisager le vis-à-vis comme un « objet », mais « d’avoir affaire à lui ». Qu’il a par la suite, selon ses propres termes, « trahi » cette dimension politique, partisane, de ses premiers travaux photographiques, il l’impute à l’« irresponsabilité scolastique[21] » dans laquelle il regrette d’être tombé. Quoi qu’il en soit de cette appréciation critique sur son évolution académique ultérieure, la démarche qui est alors la sienne trouve aussi son expression adéquate dans les contraintes liées à la photographie comme médium. Oscillant entre distance et proximité, la pratique photographique de Bourdieu reflète l’écartèlement social, scientifique et intellectuel du sociologue. Le rapport ambivalent entre la solidarité avec les victimes et la complicité avec les occupants, entre le respect du sujet individuel et sa transformation en un objet d’enquête socio-ethnographique, ou encore entre l’observation scientifique et l’engagement politique, se cristallise et se reflète dans les particularités du médium photographique.
Les caractéristiques de la photographie comme marque d’une absence et d’un après-coup peuvent renforcer sa dimension documentaire, visant à créer une distance temporelle et physique. Aussi les clichés de Bourdieu servirent-ils surtout, après leur réalisation, à rappeler à l’auteur le souvenir de réalités déjà presque révolues[22] – emportées dans le processus de bouleversement que traversait la société algérienne. Ces images, qui représentaient initialement des gestes sociaux de rapprochement, devinrent des dépôts matériels de mémoire. Comme « stock », comme fonds d’images en attente d’un usage ultérieur et se légitimant en quelque sorte par cette destination future, elles perdirent la proximité immédiate et la présence qu’elles revêtaient dans leur fonction première. Alors qu’en Algérie elles étaient encore un gage symbolique dans le passage de l’intérêt de sympathie à l’intérêt d’observation, ces photos remplirent essentiellement après le retour de Bourdieu en France une fonction d’objectivation scientifique.
En même temps que Bourdieu tirait parti de ces photographies pour sa propre recherche sociologique, il intégrait le médium photographique comme objet d’étude dans son travail scientifique en s’attelant aussitôt à la rédaction d’Un Art moyen ; l’image photographique, cependant, disparaissait presque entièrement comme support visuel. Jusqu’à la récente publication des archives du sociologue, seules quelques photos algériennes étaient apparues çà et là en couverture ou comme illustrations de certains ouvrages. La plupart d’entre elles resta invisible et inemployée. Par ce souci d’autolimitation, Bourdieu reste en-deçà à la fois de sa réflexion sur la photographie, et de l’indépendance disciplinaire qui l’avait amené de la philosophie à l’apprentissage autodidacte de la sociologie et de l’anthropologie. En 2001, il justifie rétrospectivement ce choix par le fait que les photographies n'étaient pas suffisamment « sérieuses » et « scientifiques », qu’elles lui paraissaient plutôt « narcissiques » et « complaisantes », retenant son regard « affectueux, souvent attendri[23] ». Il écarte donc les photos précisément pour les qualités qui l’avaient amené à en faire usage en premier lieu. Qu'il se soumettait par là volontairement aux normes scientifiques, et qu'il s'aperçut seulement après coup que ce matériau lui offrait un potentiel inexploité, c'est ce qu'il laisse prudemment transparaître dans l'interview de 2001[24]. De telles formulations suggèrent que le renoncement à utiliser ses propres photographies depuis les années 1960 correspondait à un positionnement stratégique dans le champ scientifique. Il sacrifia ce matériau dans le processus de son changement de discipline, sans doute pour des besoins de reconnaissance : l'image photographique avait été de bonne heure bannie de la pratique sociologique, après qu’elle eut d’abord été utilisée sur un mode plutôt journalistique[25].
On s'étonne pourtant de cette stricte soumission aux règles de la discipline. En écartant ce médium, Bourdieu ne se privait pas seulement d'un moyen d'expression qui incarnait tout particulièrement, dans la position déchirée qui était la sienne, l'ambition d'une « observation participante » et qui lui permettait en outre d'illustrer remarquablement, sur le plan thématique et structurel, la « position impossible » qu'il occupait lui-même au sein de sa discipline. Il renonçait en même temps à un médium qui lui aurait offert — combinant les deux aspects précédents — le moyen de cette « objectivation participante » qui allait jouer un rôle de plus en plus important dans sa recherche et dans son effort de construction théorique. Ce coup de force contre lui-même n'éclaire que plus vivement la volte-face opérée par Bourdieu lorsqu'il décida après 40 ans de finalement publier ses photos. Car si l’acte photographique devait rester jusqu'à sa mort largement exclu de l'analyse autoréflexive, la publication de ces clichés s'inscrit dans le contexte historique d'une certaine évolution de la pratique bourdieusienne, qui venait justement renforcer le sens de l'habitus de la dissonance et du projet d' « objectivation participante ».
Cela concerne en premier lieu la proximité avec l'objet, la « libido sciendi[26] », qui rattache l’approche photographique de Bourdieu à certaines techniques de l'interview. L'une et l'autre formes de la collecte d'information distinguent à ses yeux les ethnologues des sociologues, dans la mesure où les premiers sont prêts à se confronter eux-mêmes à la réalité, à la photographier par eux-mêmes, à l’interroger directement, au lieu d'agir par enquêteurs et questionnaires interposés, et de se pencher sur les réalités sociales depuis un poste d'observation bien protégé, à l’abri d’un appareil conceptuel abstrait. Dans les années 90, dans le cadre de son travail pour La Misère du Monde (1993), il soumet la technique de l'interview à une réflexion critique approfondie. Il aborde les problèmes d'asymétrie culturelle et sociale inscrits dans cette constellation de l'objectivation participante, avec leurs répercussions sur le plan du pouvoir symbolique, par une attitude qui combine « une sorte d'amour intellectuel » au contrôle permanent de son propre point de vue[27]. Il évoque « la disposition à faire siens les problèmes de l’enquêté, l’aptitude à le prendre et à le comprendre tel qu’il est, dans sa nécessité singulière » - c’est-à-dire précisément la disposition qui caractérise l'usage bourdieusien de la photographie. On ne trouve pourtant pas chez lui un bilan auto-analytique sur sa propre position en tant que photographe, comparable à l'exigence qu'il formule concernant la nécessité pour l'enquêteur, dans une interview, de comprendre sa propre fonction et d'acquérir « un point de vue sur [son] point de vue[28] ». On aurait voulu lire quelque chose sur la position de pouvoir que lui donnait son statut culturel et professionnel face aux personnes qu'il photographiait en Algérie. On en dira autant de l'absence de problématisation des procédés de mise en images, et du « marché » sur lequel ces images se trouvent échangées : Bourdieu avait certes abordé de tels sujets dans l'étude de 1965 sur les usages de la photographie, mais sans faire le lien avec sa propre pratique. Rien n'est dit, enfin, sur les perspectives dans lesquelles il aurait été possible d'articuler ces photographies avec d'autres propos ou avec d'autres méthodes de Bourdieu - par exemple avec la question de la mise en œuvre et de la fonction du capital symbolique qui vient à fructifier dans la publication de ces images.
Cette place vide dans les écrits de Bourdieu ressort encore plus vivement à la lumière des disciplines qui ont commencé à émerger depuis la fin des années 1980, comme l'ethnographie visuelle, la science de l'image et la nouvelle science de la culture — mais aussi sous l’effet de l'évolution des arts plastiques. Ni la réhabilitation de l'élément visuel dans l’analyse et la construction théorique, ni la mise en question des présupposés et des conditions d’effectuation du travail scientifique par la critique artistique de l'institution, n’eurent tout d’abord de répercussions sur le travail de Bourdieu - bien que le sociologue ait entretenu dans les années 1990 des contacts avec Hans Haacke et Andrea Fraser, qui étaient des représentants majeurs de ce courant artistique. Mais ce sont précisément ces contacts qui permettent de lire dans la perspective d'une pratique archivale d’autoprojection le consentement tardif de Bourdieu à la publication de ces documents. Du point de vue de la « critique de l’institution », l'exposition des photos algériennes de Bourdieu ramène ces dépôts de mémoire dans une temporalité qui permet de les utiliser comme un « point de vue sur un point de vue ». A la lumière de cette transformation, la photographie peut apparaître comme un type de pratique qui intervient sur les autres types et y introduit un sens nouveau, depuis une position tout aussi légitime[29]. D'abord, elle renforce vivement l'importance de l'objectivation participante et souligne — comme la technique de l'interview —, une forme de « compréhension » qui associe la proximité affective et intellectuelle avec le vis-à-vis à la conscience d'une distance sociale irréductible. Cette insistance sur l'aspect participatif, qui lui avait initialement fait considérer ces photographies comme inutilisables et l'avait poussé à pratiquer une autocensure scientifique, permet par la suite à Bourdieu de revendiquer son statut de marginal au sein de sa discipline principale. Si, dans les années 1960 et 1970, le « commitment[30] » qui s’exprime à travers ses travaux photographiques risquait à ses yeux d’affaiblir sa position dans le champ sociologique, trente ans plus tard, la même attitude mise en œuvre dans ses interviews, avec la confiance en soi que donne un statut académique désormais solidement établi, tend plutôt à le conforter dans son rôle de scientifique hors-catégorie. Dans cette perspective, la réflexion rétrospective sur la photographie, sur la collecte d'information telle qu'il la pratiquait dans ses tout premiers travaux de sociologue et d’ethnologue, réunit l'ensemble de sa pratique scientifique sous le signe méthodologique de l'objectivation participante. Entre empathie et distance, engagement et observation, les photographies exposées donnent à voir les combats menés pour faire triompher un mode d’interprétation dans le domaine qui pour Bourdieu était significatif, avec leurs vainqueurs et leurs perdants provisoires, leurs victimes, leurs stratégies et leurs positionnements. L’équilibre réalisé entre des valeurs opposées situe en outre la position de Bourdieu à l'intersection de champs distincts — avec leurs attitudes, leurs stratégies et leurs médiums respectifs. L'exposition des photos réalisées en Algérie remet finalement en perspective leur occultation pendant quarante ans, elle dévoile les présupposés et les hypothèses qui avaient dicté ce choix, et permet maintenant à Bourdieu d'objectiver son propre travail d'objectivation, compris comme un pas vers le « sommet de l'art sociologique ». Leur intégration tardive représente une forme de réinterprétation autocritique, qui accompagne et complète son « auto-analyse[31] » textuelle. Ce retour en arrière révèle les lois qui régissent la production du discours dans la relation de l’habitus et du « marché », telle qu’elle est déterminée tant par les évolutions des sciences tournées vers la visualité que par celles des arts plastiques. Il permet de comprendre un certain nombre de prises de position et de déplacements opérés par Bourdieu au cours de sa carrière. Enfin, il évite les pièges de l'autobiographie, explicitement dénoncés dans les textes de Bourdieu, pour autant qu'il fait de son propre champ scientifique, en le recontextualisant dans son rapport avec le visuel, le sujet et l'objet d'une analyse autoréflexive.
[1] Cf. Walter Benjamin, Je déballe ma bibliothèque, trad. Ph. Ivernel, Paris, Rivages, 2000.
[2] Sur la politique d’établissement et de déplacement du sens dans le traitement des archives, cf. Allan Sekula, « Reading an Archive », dans Brian Wallis (éd.), Blasted Allegories. An Anthology of Writings by Contemporary Artists, New York/Cambridge, Mass., Londres, 1987 (1993), p. 114-127 (extrait d’Allan Sekula, « Photography between Labour and Capital », dans Benjamin H. D. Buchloh/Robert Wilkie (éds.), Mining Photographs and Other Pictures. A Selection from the Negative Archives of Shedden Studio, Glace Bay, Cape Breton, 1948-1968. Photographs by Leslie Shedden, Halifax, 1983.
[3] Cf. P. Bourdieu, Esquisse pour une auto-analyse, Paris, Raisons d’agir, 2004 et la postface de Franz Schultheis à l'édition allemande (Ein soziologischer Selbstversuch, Francfort/ Main, 2002, p. 133-151). Sur la genèse de l'exposition, cf . F. Schultheis, « Pierre Bourdieu et l’Algérie. De l’affinité élective à l’objectivation engagée », dans P. Bourdieu, Images d’Algérie. Une affinité élective, conçu par F. Schultheis et Chr. Frisinghelli, Actes Sud/Camera Austria/Liber, 2003, p. 9-16.
[4] P. Bourdieu, Images d’Algérie, op. cit., p. 25.
[5]Cf. Esquisse…, op. cit., p. 130. Cf. aussi p. 76, 86 sqq, 94, où il évoque sa situation en « porte à faux », sa « vie dédoublée ».
[6] Bourdieu distingue dans ce contexte trois formes de « biais » susceptibles de fausser le regard sociologique : le biais « social » lié aux origines du chercheur, le biais « académique » lié à la discipline sociologique, et le biais « intellectualiste », qui détermine sa relation au monde. Cf. P. Bourdieu/Loïc Wacquant, Réponses. Pour une anthropologie réflexive, Le Seuil, 1992, p. 49. Les deux dernières formes convergent en quelque sorte dans le « biais scolastique » auquel Bourdieu s’en est pris en diverses occasions. Cf. par exemple P. Bourdieu, Méditations pascaliennes, Le Seuil, 1997.
[7] Sur la figure de l’ahmabul (qu’on écrit aussi amahbul), cf. Bourdieu, Esquisse…, op. cit., p. 74 sq.
[8] Voir les reproductions dans P. Bourdieu, Images d’Algérie, op. cit., 2003, op. cit., p. 109.
[9] Voir les reproductions, ibid., p. 204 sqq., 124, 126 sq.
[10] Voir les reproductions, ibid., p. 81 sq.
[11] Voir les reproductions, ibid., p.141.
[12] P. Bourdieu, Un Art moyen. Essais sur les usages sociaux de la photographie, Editions de Minuit, 1965.
[13] Cf. par ex. P. Bourdieu, « La pratique de l’anthropologie réflexive », dans Réponses, op. cit., p. 231 : « L’objectivation participante, qui est sans doute le sommet de l’art sociologique, n’est tant soit peu réalisable que si elle repose sur une objectivation aussi complète que possible de l’intérêt à objectiver qui est inscrit dans le fait de la participation ; et sur une mise en suspens de cet intérêt et des représentations qu’il induit. »
[14] P. Bourdieu, « Espace social et genèse des ‘classes’ », Actes de la Recherche en Sciences sociales, n° 52-53, p. 3-12.
[15] P. Bourdieu, Esquisse…, op. cit., et Méditations pascaliennes, op. cit.
[16] Cf. Images d’Algérie, op. cit., p. 112sq.
[17] Ibid., p. 204 sqq
[18] Ibid., p. 141, 154, 165
[19] Ibid., p. 102 sqq.
[20] Images d’Algérie, op. cit., p. 28. Cf. aussi p. 21 : « C’était un moyen de m’introduire et d’être bien accueilli. »
[21] Ibid., p. 29.
[22] Ibid., p. 21.
[23] Ibid., p. 42-44.
[24] Ibid.
[25] Sur le débat concernant l'usage de la photographie en sociologie, cf. par exemple Clarice Stasz, « The Early History of Visual Sociology », dans Jon Wagner (éd.), Images of Information, Berverly Hills, 1979, p. 119-136, ainsi que Ulf Wuggenig, « Die Photobefragung als projektives Verfahren », dans Henrik Kreutz (éd.), Pragmatische Analyse von Texten, Bildern und Ereignissen, Opladen, 1991, p. 109-130.
[26] P. Bourdieu, Esquisse…, op. cit., p. 64.
[27] P. Bourdieu, « Comprendre » dans La Misère du monde, Paris, Le Seuil, 1993, p. 1406
[28] Ibid., p. 1423.
[29] Ces photographies apparaissent ainsi comme parties d'un « système d'informations » - ce qu’est fondamentalement toute photographie pour Susan Sontag (cf. Susan Sontag, La photographie, trad. G. H. Durand et G. Durand, Le Seuil, 1979) -, un système composé en l’occurrence par les différentes formes de la pratique bourdieusienne. Dans cette constellation relationnelle, l'exposition des photos de Bourdieu s'articule à l'œuvre de sa vie pour constituer une « pratique archivale », qui transpose la mémoire déposée en une mémoire actualisée qui génère de nouvelles constellations et, par là, des significations transformées. Sur cette compréhension générative de la relation entre archive et mémoire, cf. par ex. Aleida Assmann, Erinnerungsräume. Formen und Wandlungen des kulturellen Gedächtniss, Munich, 1999, ainsi que dernièrement, Wolfgang Ernst, Das Gesetz des Gedächtnisses, Berlin, 2007.
[30] Conformément aux exigences qu'il avait fixées à son propre travail, Bourdieu, dans son débat avec Michel Foucault, souligne explicitement la synthèse réussie du « scholarship » et du « commitment ». Cf. P. Bourdieu, Esquisse pour une auto-analyse, op. cit., p. 104.
[31] Sur le programme d’ « auto-socioanalyse » que se fixe Bourdieu, par opposition à un projet autobiographique, cf. Esquisse…, op. cit., p. 11.