04 2002
Border Camp // Strasbourg // 19 au 28 juillet, 2002
Traduit par Francisco Padilla
Dans la ville alsacienne de Strasbourg, le long de la frontière franco-allemande, il y a encore aujourd'hui des traces du fait que la ville a changé d'appartenance nationale cinq fois depuis cinq cents ans. Cependant, le réseau no-border <noborder.org>, organisateur du dernier border camp à Strasbourg, avait quelque chose d'autre en tête : les frontières virtualisées dans et autour de la forteresse Europe, érigées -indépendamment des territoires- partout, là où des agents d'Etat ont accès aux bases de données enregistrant les êtres humains comme des ensembles de données. L'unité centrale du SIS (Schengen Information System) a été localisée à Strasbourg depuis sa création en 1991. Des données concernant les immigrants y sont collectées, ce qui accomplit une fonction centrale lors de l'octroi de visas et dans les processus d'asile.
Depuis au moins les manifestations massives à l'encontre de la globalisation économique, des données concernant les manifestants et les critiques y ont été également intégrées. Les objectifs du border camp de Strasbourg consistent à prêter attention aux effets de ces types de mécanismes de surveillance propres aux technologies de l'information, de même qu'à se confronter aux frontières virtualisées et à développer des formes d'action politique ayant à traiter avec celles-ci. A Strasbourg comme lors des autres camps <noborder.org/camps02> et lors des actions durant l'été 2002, l'enjeu consiste encore à demander la liberté de mouvement et à intervenir de manière perturbatrice dans la machine d'expulsions <noborder.org/strasbourg>.
<durant une manifestation antiraciste à Woomera/Australie en mars 2002, des immigrés ont réussi à franchir les grilles d'un camp de détention et à y échapper>
L'idée des border camps a été présente en Europe depuis 1998 dans des textes, photos, discussions et actions. Avec l'harmonisation croissante des politiques d'immigration et d'asile, ainsi qu'avec la répression massive des immigrés et réfugiés, exemplifiée en Autriche par la mort de Marcus Omafuma <no-racism.net/racismkills>, la nécessité de constituer un réseau européen antiraciste est devenue évidente. Le réseau européen noborder est né -durant les protestations contre le sommet européen à Tampere en 1999- du désir de diffuser des discussions, d'élargir sa propre perspective et de partager des idées de résistance audacieuses avec d'autres.
Les actions se sont étendues et les idées se sont répandues. Ceci a donné lieu l'été dernier à une chaîne de border camps <noborder.org/camps/01> commençant à Tarifa au sud de l'Espagne (Espagne-Afrique), continuant ensuite à travers Krykni (Pologne-Ukraine), Lendava (Slovénie), la frontière interne de l'aéroport de Frankfurt (Allemagne), jusqu'au " borderhack " à Tijuana (Mexique) et les actions contre le camp de réfugiés à Woomera (Australie). En traversant les frontières de manière permanente durant ce tour de six semaines, le noborderTOUR <no-racism.net/nobordertour> a connecté les camps frontaliers avec d'autres sites de résistance, y compris Gênes et Salzbourg. Des connexions se sont également nouées dans l'espace virtuel : Le 7 juillet, le " borderstream " <noborder.org/stream> a visualisé trois border camps ayant lieu de manière simultanée comme des interventions imbriquées, tout en donnant un aperçu des images et des ambiances d'autres actions réalisées durant l'année. Strasbourg 2002 est maintenant le premier événement organisé par l'ensemble du réseau noborder en tant qu'action commune qui intègre des mouvements sociaux antiracistes, des groupes et des individus d'une quinzaine de pays différents.
<Durant le camp à Tarifa (Espagne du sud), un bateau est arrivé sur la côte. Des immigrés s'y cachaient afin de se dérober aux autorités d'entrée espagnoles. Grâce au camp, aux nombreuses personnes qui s'y trouvaient, et à une association espagnole qui soutient ouvertement le voyage des sans-papiers, il a été possible d'aider un bon nombre des ces immigrés à l'arrivée à voyager à l'intérieur du pays et à éviter les contrôles de police.>
" SIS est un d.sec*.
Chaque d.sec est une cible.
Nous détruirons chacun des d.sec. "
Le titre (d.sec : database systems to enforce control) désigne le problème auquel vont s'attaquer de manière intense les teccies, immigrés, hackers, activistes, artistes et d'autres encore. Ils développeront en même temps des formes d'intervention pouvant être opposées aux d.sec, aux systèmes de bases de données. Durant le camp, d.sec constituera un fil thématique formant un cadre de travail dans lequel les possibilités de mises en réseau mutuelles pourront être sondées et transformées en actions créatives et plaisantes. <dsec.info>
D'autres thèmes essentiels seront le cyberféminisme, la revendication des corps, les nouvelles identités dans un monde interconnecté, l'expansion de la communication libre, aussi bien que la transmission pratique des savoir-faire, les discussions autour de la signification sociale du software libre, et le questionnement critique de notre propre usage des technologies : sites web, e-mail, IT : à quoi bon ?
<En mai 2002, durant une manifestation contre un centre d'expulsions en Suisse, un prisonnier a été libéré. Les barres de fer ont été coupées à l'aide d'une scie et l'individu a été en mesure d'échapper à travers la fenêtre de sa cellule.>
dsec/ptc//zone.noborder.org
La VolxTheaterKarawane installera une noborderZONE/salle média <zone.noborder.org> au centre ville de Strasbourg. Des streams de vidéo live et de radio ainsi que des comptes rendus actualisés en plusieurs langues fourniront via Internet -en collaboration étroite avec des radios indépendantes en Europe et du ptc-TV- des informations sur Strasbourg, sur le SIS et sur des actions dans et autour du camp. La salle sera ouverte aux visiteurs, aux touristes et aux activistes. Des ateliers et des pratiques théâtrales impliqueront des individus qui se déplacent à travers les frontières et travaillent le long des lignes de séparation électroniques et physiques. La VolxTheaterKarawane fournira des multiples articulations à l'encontre des instruments de contrôle et de répression et des institutions européennes et leurs intérêts.
hack the street be pink and silver on the net
Lorsque le Forum Economique Mondial a eu lieu durant l'été 2000 dans la petite ville suisse de Davos, des hackers ont réussi à s'infiltrer dans l'ordinateur central de l'organisation préparant l'événement. Ils ont subtilisé des données des leaders du secteur économique et des chefs d'Etat, tout en les publiant sur Internet. Dans un communiqué, ils ont déclaré qu'ils protestaient par cette action contre l'accroissement constant des contrôles le long des frontières et les restrictions de la liberté de voyage. Ils mettaient en évidence la connexion directe entre la circulation des données personnelles, les mécanismes de contrôle, et une globalisation purement économique qui considère en même temps qu'il est nécessaire d'accroître les restrictions aux mouvements des personnes, des corps, de l'information et de la communication libres.
En Août 2001, un chroniqueur a écrit dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung que les vrais " amis de la globalisation " étaient actuellement en train de camper dans l'aéroport de Francfort. Le journaliste voyait en Georges Bush l'un des opposants éminents de la mise en réseau globale. Durant les protestations à Seattle, il y avait encore de nombreux protagonistes qui s'exprimaient contre la globalisation. L'ambiguïté de cette approche et la capacité rétorsive de ses contenus a mené, en dernière instance, à élargir le discours de manière significative. Des thèmes comme les migrations, les développements racistes et un antisémitisme resurgissant de nouveau sont devenus des composantes centrales des discussions tournant autour du concept de globalisation. A Gênes, durant les manifestations contre le G-8, 70.000 manifestants ont fait ressortir le thème de la migration, établissant un lien direct entre l'exploitation continue, la pensée dans la logique du marché et la restriction permanente de la liberté de mouvement et de voyage. Comme lors des protestations à Gênes, nos propres médias produiront une contre sphère-publique, et constitueront également à Strasbourg une composante essentielle de la résistance contre le capitalisme et les appareils de répression.
A l'instar du borderstream à Gênes et Bruxelles, des campagnes sur Internet telles que la deportation alliance <www.deportation-alliance.com>, la démo en ligne contre Lufthansa ou encore, l'action de libération de données à Davos, les technologies peuvent servir comme des plate-formes ou des amplificateurs pour des articulations politiques. En même temps, cependant, comme dans le cas du SIS, elles sont également employées pour le contrôle complet et la surveillance des gens. Y-a-t'il une contradiction à cela ? Quel impacte a la transformation de la communication en d'autres espaces virtuels ? L'Internet et le cyborg, sont-ils la fin de la sphère sociale ou le commencement d'une nouvelle société <volxbad deklaration - www.make-world.org> ou peut-être, seulement un bref moment dans un développement historique qui sera déjà complètement obsolète demain ?
d.sec testera ces possibilités à Strasbourg. " Hack the system ", en tant que phrase vide, en tant que jeu risqué, en tant qu'intervention dans des espaces publics et virtuels, en tant qu'atelier, pratique discursive ou encore, en tant que production théâtrale. La caravane continue…