10 2004
Actualisation de l'espace. Le cas Oda Projesi
Traduit par Yasemin Vaudable
Une
pièce longiforme, à hauts plafonds. Au milieu de petits
arbres dans des boîtes. Les murs sont interrompus par
des portes et des fenêtres aux trois niveaux de l'immeuble.
Ci et là, des chaussures sont déposées devant les portes
et à travers les fenêtres se dessinent vaguement des
rideaux. A côté des chaussures l'on voit l'une ou l'autre
poussette. La pièce baigne dans la lumière du jour traversant
un toit en verre et filtrée par les vitres des petits
côtés de la pièce. Sans les chaussures et les poussettes,
elle ferait plutôt penser à un hôtel ou même une prison
américaine. Au milieu de la pièce, un groupe d'hommes
jouent de la musique turque sur leurs instruments, tandis
que d'autres dansent. Une petite fille vêtue de jaune
dansant de manière élégante, toute seule, attire l'attention.
Des rires retentissent. Soudain, une banderole de papier
est lâchée du haut d'un balcon, elle se déroule tel
un grand serpent, et quelques enfants commencent à dessiner
dessus.
L'endroit
est un passage et un lieu de rencontre d'habitants
dans la "Galeriahaus", un H.L.M. dans
la ville de foires de Riem, une banlieue de Munich.
L'occasion est une de plusieurs petites festivités organisées
par Oda Projesi au cours de son séjour en ce lieu au
printemps 2003. Comme le dit le titre (en turc "Oda" signifie chambre et "Projesi" veut dire projet), le point de départ du travail de
Oda Projesi est l'espace, la manière dont on peut créer
et reformuler divers lieux et situations spatiales à
travers différentes formes de l'utilisation que l'on
en fait. Par exemple: Comment peut-on, avec différents
groupes de personnes, trouver de nouvelles fonctions
de lieux publics tels qu'une place ou d'une pièce vide
dans un appartement? Ou de nouvelles fonctions d'un
passage de structure architectonique tel que l'atrium
dans la Galeriahaus, à laquelle l'accès des non-résidents
a été interdit par les autorités et où il était interdit
de jouer?
Les
trois artistes Özge Acikkol, Gunes Savas et Secil Yersel
travaillent ensemble depuis 1997.
Ils commencèrent par saisir les occasions que
leur offraient les espaces publics de leur ville natale
d'Istanbul et organisèrent des ateliers avec des enfants,
dans lesquels ces derniers dessinaient, peignaient puis
exposaient leurs travaux sur place.[1]
En 2000, le groupe se donna le nom de Oda Projesi et
loua un appartement de 3 pièces à Galata, le quartier
où ils avaient commencé à organiser leurs ateliers.
Galata était autrefois un quartier non encore gentrifié
d'Istanbul, et se trouve près de la célèbre zone piétonne
Istiklal et
d'un quartier de divertissement, où affluent beaucoup
de migrants venant des régions de l'est de la Turquie
lorsqu'ils arrivent à Istanbul. La vie dans les rues
étroites, surpeuplées et les petites cours est mouvementée.[2]
Cependant, aucuns des artistes n'habitent l'appartement
qui sert de point de rencontre dans le voisinage et
de plate-forme pour de projets élaborés aussi bien à
l'intérieur qu'à l'extérieur en collaboration avec des
habitants du quartier et d'autres personnes.
Les
artistes se sont entre-temps familiarisés avec les environs
de Galata et leurs voisins, surtout avec les enfants,
qui se sentaient tout à fait chez eux et en paix dans
l'appartement durant mes séjours en octobre 2001 et
septembre 2003. Chacune des activités est différente,
ayant ceci en commun qu'elles n'ont pas pour objet de
montrer ou d'exposer une oeuvre d'art, mais d'employer
l'art comme moyen de (re)créer de nouvelles relations
entre des personnes à travers des observations/recherches
des plus diverses ainsi que la formation d'espace tant
public que privé. Oda Projesi s'est inspiré de la manière
dont les habitants d'Istanbul se servent de leur ville,
sans toujours obéir aux règles et aux lois: par exemple,
la manière dont les commerçants trouvent des astuces
pour montrer leurs produits en dehors du magasin sans
avoir de coûts supplémentaires, ou la manière dont des
annexes sont construites à côté des immeubles d'habitation.
Une
pièce de l'appartement à Galata sert de point de rencontre
avec de nombreux matériels de dessin ainsi que de livres
d'enfant et d'art. Une autre pièce est parfois utilisée
pour des projets artistiques, tandis qu'une troisième
pièce sert à la collecte d'archives, mais les artistes
peuvent aussi se servir du reste de l'appartement ou
modifier son utilisation. Les environs sont également
utilisés. Par exemple, l'artiste Erik Göngrich invita,
dans le cadre de son étude sur Istanbul comme "Picknick
City", tous les voisins à un pique-nique dans la
petite cour couverte de matelas en plastique, utilisés
tant dans ce but que pour la prière. Dans l'appartement,
le groupe de théâtre local Tem organisa un atelier pour
enfants sur les diverses formes d'art dramatique. Le
groupe d'architectes ayant son siège à Istanbul, Heterotopya,
organisa il y a peu une discussion avec des enfants
sur la recréation de la cour intérieure pavée de pierres.
Dans ce cadre, des propositions furent mise au point
concernant la construction d'une piscine ou d'un jardin
avec des balançoires.
Oda Projesi est un projet permanent, entrepris à l'initiative et financé par des artistes eux-mêmes. Il ne fait pas partie d'un programme ou d'une campagne, il n'a pas d'heures d'ouverture et ne fait pas de publicité. Lorsque d'autres artistes sont invités à collaborer, les gens du voisinage viennent aux vernissages, sinon il est aussi possible de s'y rendre par simple accord verbal. Lorsque les membres partent en voyage, ils donnent les clefs aux voisins qui s'occupent de l'appartement et qui permettent aux enfants ainsi qu'aux autres personnes voulant s'en servir, d'entrer dans l'appartement. Ainsi, l'appartement devient un lieu qui présente des caractéristiques relevant tant d'un lieu privé que public. La conception et l'utilisation de la pièce se rapprochent du concept de Michel Certeau du quotidien, de l'utilisable et du pragmatique: l'espace est un résultat des activités qui l'influencent ou même le déterminent, qui le situent dans un cadre temporel et l'amènent à fonctionner dans le cadre d'utilisations et de conceptions contradictoires. Ainsi, l'espace est une chose qui relève de l'actualisation et de l'utilisation active ainsi que des ambivalences et des dépendances internes qui apparaissent à travers son utilisation. Comme quand l'on prononce un mot, il prend de différentes significations selon les contextes spécifiques.[3]
Le travail de Oda Projesi est à considérer comme faisant partie de ce courant
à orientation multiple d'art contemporain qui agit
de manière interactive et dans lequel sont utilisés
des espaces publics et semi-publics. Le groupe crée
des situations visant à diverses formes d'échange
qui se concentrent sur l'intimité et le contact personnel,
et son travail fut même décrit comme réflexion sur
ce qu'est et peut être l'art public, autrement dit
sur la manière dont cet art pourrait fonctionner dans
l'art contemporain.[4]
Il semble que la tentative de saisir quelques-uns
des points spécifiques d'une des pratiques soit justement
d'autant plus importante qu'il y a tant de différences
dans ce champ. A première vue, il serait possible
d'appliquer au travail de Oda Projesi la définition
de Suzanne Lacy du "New Genre Public Art"
(Art public de nouveau genre): "New Genre Public
Art" demande un langage intégratif critique,
avec lequel des valeurs, l'éthique et la responsabilité
sociale peuvent être discutées à travers des moyens
artistiques."[5]
Ce
modèle de travail se fonde plutôt sur les rapports
entre êtres humains et sur une créativité sociale
que sur l'auto-représentation et se caractérise par
des coopérations. Il se réfère à des groupes spécifiques,
souvent marginalisés de la société, il est socialement
engagé, il est interactif et s'oriente vers d'autres
publics moins anonymes que ceux des institutions artistiques.
Dans le "New Genre Public Art" il s'agit
de participation créative en tant que processus. Les
activités se déroulent la plupart du temps en dehors
d'institutions artistiques reconnues, dans des contextes
sociaux tels que ceux de complexes d'habitations ou
d'écoles. Cela engendre une sorte d'exclusion inverse:
c'est plutôt ceux à qui s'adresse ce projet et qui
sont "conquis" par ce dernier qui y ont
accès que le public artistique habituel.
Une
différence essentielle dans le rapport avec la plupart
des projets de type "New Genre Public Art"
réside cependant dans le fait que Oda Projesi n'est
pas un projet réactif, et qu'il ne réagit donc pas
en premier lieu à un problème social ou culturel.
Les personnes avec lesquelles le groupe travaille
- le groupe cible - ne sont pas non plus traitées
ni décrites comme "autrui"; le Public Art
traditionnel insiste plutôt sur sa position qui implique
la construction d' "autrui". En bref, le
projet Oda est dépourvu d'une rhétorique "réformiste"
ou d'une rhétorique d'amélioration du monde qui s'installe
dans le rapport à "autrui". Cependant, Oda
Projesi ne veut pas non plus mener une campagne pour
changer le monde, d'où il n'y a pas non plus d'activisme
à la "Park Fiction".[6]
Ils n'ont pas non plus de liaisons quelconques avec
des traditions spirituelles ou "salutaires"
que Suzanne Lacy voit dans le "New Genre Public
Art". Même si Oda Projesi fait en sorte que ses
projets se déroulent dans des lieux publiques ou semi-publiques,
il ne s'agit pas de "Public Art" au sens
propre du terme, puisqu'il n'y a pas de commanditaires
publics et que l'espace public n'est pas spécifiquement
thématisé. Bien qu'ils aient parfois une image sympathique-douce,
leur travail n'est pas didactique, en ce sens qu'il
s'oriente par exemple vers des groupes bien définis
de citoyens défavorisés. Malgré cela, Oda Projesi
veut, quand bien même dans une micro-perspective,
tout comme le grand viel homme des projets de voisinage
sociaux et comportementalistes (behavioristes), Stephen
Willats, contribuer à un changement du fonctionnement
social. Cela se fait souvent à travers la tentative
de modifier la conscience que nous avons des codes
de la vie qui nous entourent. Selon Willats, le rapport
entre travail et public est le travail même, mais
cela est difficilement applicable dans le cas de Oda
Projesi, étant donné que sa conception de ce qui constitue
le public est plus nuancée et que sa conception de
l'œuvre d'art est plus ouverte et moins orientée vers
l'objet.[7]
Mises
à part les documentations, Oda Projesi veille considérablement
à ne pas laisser derrière lui d'objets pouvant être
interprétés comme de l'art qui doit être exposé. Les
documentations deviennent au contraire une sorte de
journal, dans lequel les activités sont inscrites
et commentées personnellement après avoir eu lieu.
Pourtant le groupe a tout de même paradoxalement discuté
de son travail comme s'il s'agissait de la création
d'un monument. Il dit qu'ils "veulent créer un
monument" composé " de gestes quotidiens
et des couches de souvenirs de la communauté",
et indique que cela se passe toujours ensemble avec
mais pas pour les participants.[8]
Le groupe a en tête un monument abstrait, sous une
forme fluide, mais concrètement ancrée dans la mémoire,
qui serait consacré aux efforts déployés par les participants
pour explorer l'espace et pour formuler des propositions
d'utilisations alternatives, ce qui de nouveau peut
contribuer à une redéfinition et une restructuration
des rapports sociaux.
C'est
là qu'Oda Projesi se distingue radicalement d'une
des oeuvres dont il a été le plus souvent discuté
dernièrement et qui représente par conséquent une
oeuvre-monumentale "iconique", ayant été
réalisée avec la participation des habitants, à savoir
"Bataille Monument" de Thomas Hirschhorn
dans la cité Friedrich Wöhler, qui avait constitué
une partie de la Documenta11 à Kassel lors de l'été
2002. Aussi bien Oda Projesi que Hirschhorn se réfèrent
à l'idée du monument classique et le remettent en
question. La stratégie de Thomas Hirschhorn comprend
l'utilisation de matériels simples et éphémères lorsqu'il
construit ses monuments consacrés d'habitude à de
"grands" hommes tels que Spinoza et Deleuze
à des endroits éloignés. Son but est de produire de
l'art et pour "Bataille Monument", il avait
un plan préparé, en partie mis en oeuvre et pour la
réalisation duquel il avait besoin d'aide. Quelques-uns
des jeunes habitants du quartier au chômage faisaient
le travail à la bibliothèque, montaient un studio
de télévision et étaient payés pour ce travail. Ils
avaient le rôle "d'exécutants" et non de
"Co-créateurs".
Les
habitants de la cité ouvrière semblèrent être un "autre"
élément insaisissable dans un projet qui représentait
surtout une critique d'un genre artistique et non
de structures sociales. Le travail de Hirschhorn fut
par conséquent critiqué pour avoir exposé et exotisé
des groupes marginalisés et avoir ainsi pratiqué une
forme de pornographie sociale, ce qui est compréhensible.
Hirschhorn lui-même voulait explorer les limites d'une
des exhibitions artistiques contemporaines des plus
prestigieuses.[9]
Tandis que Thomas Hirschhorn fait une distinction
entre projets sociaux et projets artistiques, et que
son travail fait clairement partie de la deuxième
catégorie, il est beaucoup plus difficile de faire
cette distinction pour Oda Projesi. Les artistes ont
des liens libres avec le monde artistique et sont
moins préoccupés par la question de savoir ce qu'est
l'art et ce qu'il n'est pas. Il suffit que l'art fournisse
une méthode et qu'il mette à disposition une zone
prévue pour certaines activités. En même temps, ils
travaillent avec des groupes de gens de leur entourage
immédiat et leur permettent d'avoir une influence
sur le projet. C'est pourquoi le travail de Oda Projesi
est tout aussi social qu'artistique, sans pour autant
être officiellement commandité par une autorité locale
par exemple, qui attendrait des réformes sociales
ou des améliorations mesurables.
Dans leur projet dans la ville de foire de Riem sur la proposition de kunstprojekte_riem,
qui a été réalisé en coopération avec le Kunstverein
de Munich, cette double qualité de leur travail fut
exprimée et thématisée.[10]
Bien que l'appartement de Galata constitue le cœur
de leur travail, il ne le représente pas dans sa globalité.
Durant les dernières années, les artistes réalisèrent
sur la proposition d'institutions et d'organisations
artistiques divers projets qui étaient de plus courte
durée que celui de Galata et se déroulaient souvent
dans d'autres contextes culturels et sociopolitiques.[11]
Tous les habitants de Riem furent informés à l'avance
par courrier au sujet du fait qu'Oda Projesi serait
accessible quotidiennement 3 heures par jour pendant
un mois dans la pièce prévue à cet effet par le kunstprojekte_riem.[12]
La pièce qui se trouvait à côté du "BewohnerInnentreff"
(point de rencontre des habitants) officiel - et pour
la plupart du temps désert - et d'une cuisine adjacente
donnant sur la rue et donc moins privée, étaient fortement
fréquentée. Avec les participants, les artistes essayèrent
de trouver une forme d'utilisation de la pièce dont
il ne seraient pas tenus responsables, mais qui leur
permettrait de s'en servir, en tant qu'habitants du
quartier, pour se coiffer les uns les autres, organiser
des soirées tupperware et préparer à manger. Les femmes
turques surtout appréciaient la cuisine en tant que
lieu de rencontre. L'ameublement de la pièce servant
au projet fut modifié, en partie selon chaque occasion,
et la pièce eut à la fin une apparence tout à fait
différente de celle qu'il avait au début.
La
plupart des contacts sociaux furent cependant établis
par un couple turc, entretenant un petit magasin en
face du lieu de rencontre des habitants. Ne serait-ce
que pour des raisons linguistiques - aucun des membres
d'Oda Projesi ne parle allemand - la plupart des participants
du projet étaient turcophones. En plus des activités
dans la pièce et dans la cuisine, des vidéos filmant
les alentours furent enregistrées et montrées dans
le magasin. Des habitants faisaient des visites guidées,
et il y avait une dégustation de thé accompagnée de
musique et de danse dans la Galeriahaus. Un long rouleau
de papier fonctionnait comme instrument social lors
de certaines de ces occasions: les gens furent appelés
à écrire dessus et à y dessiner, ce qui animait l'ambiance
de conversation mutuelle. Comme c'est souvent le cas
dans Oda Projesi, le "public" était constitué
en fait de participants qui avaient tous fait connaissance
avec les artistes. Le fait qu'il n'y a que très rarement
un public externe, exclusivement observateur, réduit
le caractère de mise en scène. Ceux qui sont présents
participent, et la présence personnelle des artistes
est primordiale, ce qui crée un rapport inhabituel
de familiarité qui n'est que difficilement compréhensible
pour des personnes extérieures.
Oda
Projesi partage la mise de l'accent sur les rapports
humains avec des groupes des plus divers, décrite par
Nicolas Bourriaud à travers la notion d' "esthétique
relationnelle". Selon cette notion, les rapports
humains constituent le matériel de base de ces artistes;
ils se concentrent sur l'échange social, thématisent
des processus de communication et interagissent avec
les observateurs.[13]
Comme les travaux d'Oda Projesi, le projet de
Dan Peterman "The Shop" à Chicago est lui
aussi orienté vers une communauté bien précise et se
base sur des activités communes qui ne sont pas "exposées".
Dans le cas de Peterman, il s'agit
d'un atelier de vélos situé dans un quartier délabré.
Le
travail de Oda Projesi est encore plus comparable à
celui de Rirkrit Tiravanija, un autre artiste que l'on
associe à "l'esthétique relationnelle" et
dont le travail témoigne aussi d'un haut degré d'ouverture
quant au fait que des situations sociales sont crées
et organisées par les participants et qu'il explore
de nouvelles possibilités de l'utilisation de l'espace
ainsi que de la réorganisation de pratiques quotidiennes.
Tant
Oda Projesi que Rirkrit Tiravanija mélangent délibérément
le privé et le public avec tous les moyens de l'informalité
et de la proximité. Ils travaillent avec des gens qui
font souvent quelque chose ensemble. L'initiative est
dans les mains du public, souvent d'enfants et de jeunes,
qui ont plus de facilité à agir contre des comportements
et des formes d'usage prédéfinies.[14]
La coopération et la participation sont au centre du
projet. Bien qu'Oda Projesi et Rirkrit Tiravanija ne
poursuivent pas d'objectifs politiques ambitieux, l'idée
du changement est toujours présente. Comme toujours,
lorsque des rapports humains sont au centre d'une activité,
il n'est pas facile, voire même impossible de décrire
exactement ce qui se passe et de mesurer la réussite.
Il est cependant quand même clair que c'est la méthode
qui est décisive: dans Oda Projesi la méthode constitue,
en combinaison avec la confrontation à un espace concret,
l'essence du travail.
Dans ce contexte le discernement
des quatre méthodes de travail différentes dans l'art
contemporain ayant pour objet l'étude de l'interaction
sociale, tel que l'a opéré le critique résidant à Vienne,
Christian Kravagna, peut être utile: "le travail
avec d'autres", l'interactivité, l'action collective
et la pratique participative. Le texte rédigé en 1998
et portant le titre "Modelle partizipatorischer
Praxis" (Modèles de pratique participative) dépeint
le tableau d'une société dans laquelle il y a un sentiment
d'impuissance politique largement répandu et où la menace
du chômage réel ou probable guette sans cesse l'existence.[15] Il se réfère au concept de "travail du citoyen" du
sociologue Ulrich Beck, qui propose l'activation de
potentiels inutilisés pour l'engagement politique visant
à créer une société civile engagée. Le "travail
du citoyen" permettrait d'intégrer des personnes
dépendant de l'aide sociale dans un engagement social
organisé, de l'euthanasie passive à l'art et la culture
en passant par l'accompagnement de sans-abris. Selon
Christian Kravagna cela n'est rien d'autre qu'une astuce
permettant de compenser les possibilités réduites de
participation politique par une "une activité sociale
" sous la forme d'un travail de citoyens non-rémunéré.
Le modèle de Beck permet aux gens d'avoir une occupation
sensée et même d'être "récompensés" pour ce
qu'ils font, ne leur donnant ainsi aucune raison d'inquiétude.
Et cela permet à l'État d'économiser de l'argent.
Même si le portrait que Christian
Kravagna dresse de la société est un peu trop noir et
blanc, même si sa description du "politique"
est un peu trop teintée d'une théorie de conspiration
et même si le texte n'est peut-être pas sans contradictions,
il est utile dans le cadre d'un positionnement de Oda
Projesi au sein de diverses approches participatives,
aujourd'hui courantes. Il indique à juste titre que
la "participation" en tant que pratique joue
un rôle dans l'art du 20ème siècle toujours
là où il s'agit d'auto-critique de l'art, de remettre
en question la position de l'auteur ou du rapport entre
l'art et la "vie". En tant que représentants
de la première catégorie qu'il introduit, "le travail
avec d'autres", il cite des artistes comme Rirkrit
Tiravanija, Irene et Christine Hohenbüchler ainsi que
Jens Haaning. Selon lui, ces pratiques ne sont rien
d'autre que du socio-chic à la mode, qui ne demande
pas plus de réflexion. Il cite les artistes Alice Creischer
et Andreas Siekmann, qui attribuent à ces façons de
procéder "un caractère prononcé d'exploitation",
étant donné que les artistes en question ont certes
externalisé la production, mais qu'ils en ont absorbé
la plus-value.
La deuxième catégorie, l'interactivité,
admet, comme il le dit, deux ou plusieurs réactions
qui influencent l'œuvre dans son apparence sans pour
autant en modifier fondamentalement la structure. Christian
Kravagna ne donne pas d'exemples à ce sujet, mais nous
pouvons nous imaginer qu'il se réfère à des travaux
des dits "nouveaux médias ", où l'on peut
appuyer sur un bouton, ou à des travaux qui contiennent
une offre de consommation. La troisième catégorie, celle
de la pratique collective, signifie qu'un groupe de
personnes formule une idée et la met en pratique ensemble.
Ici aussi, il ne donne pas d'exemple, mais Park Fiction
pourrait être cité comme tel. La quatrième catégorie
qu'il distingue, la pratique participative, part d'une
différence entre producteurs et récepteurs, mais elle
se concentre sur les derniers et leur confie une grande
partie de la conception d'un travail. Son intérêt principal
se concentre sur des approches participatives et il
discute des travaux tels que "Funk Lessons"
d'Adrian Piper (1982-84), "Offene Bibliothek"
de Clegg & Guttman (1991 et 1993), "Vertical
Living" de Stephen Willats (1978) ainsi que ce
que Susanne Lacy appelle le "New Genre Public Art".[16]
Tandis qu'il considère les trois premiers travaux comme
réussis, il critique "New Genre Public Art"
en disant que c'est un travail traditionnel, essentialiste,
moralisant, mystificateur et qu'il présente des traits
de caractère pastoraux.
Tant en ce qui concerne la production
qu'en ce qui concerne
le travail de curateur, la première catégorie
de Christian
Kravagna, "le travail avec d'autres ", peut
servir de terme générique aux trois catégories suivantes.
Elle peut comprendre toutes les trois ou quelques-unes
d'entre elles au sein d'une méthode artistique en général
ou dans le cadre d'un projet bien précis, mais il y
a cependant quelques particularités, qui manquent aux
autres catégories, dont celle de "l'ouverture"
est sans doute la plus controversée mais aussi la plus
pertinente quant au travail de Oda Projesi. Le problème
de l'exploitation est très complexe, mais lorsqu'il
est dit par rapport à Rirkrit Tiravanija, Irene et Christine
Hohenbüchler ainsi que Jens Haaning qu'ils n'exploitent
la plus-value que pour eux-mêmes, cela est sans aucun
doute aussi valable pour les projets d'Adrian Piper,
de Clegg & Guttman et de Stephen Willats cités ci-dessus.
Le travail d'Oda Projesi incarne sans doute une forme
intermédiaire, étant donné qu'il comprend toutes les
quatre approches, mais qu'il le fait avec un concept
de travail artistique plus ouvert, parfois dans plusieurs
projets, parfois dans un seul et même projet. C'est
sans doute là que réside la force tout comme la faiblesse
de leur travaux, des points de départ quotidiens, souvent
spatiaux, jusqu'à divers projets réalisés en collaboration
avec des gens de leur entourage immédiat, à travers
lequel des changements pas si minimes sont crées dans
les façons de penser et les rapports des uns par rapport
aux autres. Le discours politique dans le cadre de ces
activités devrait cependant être davantage développé.
Dans
l'approche d'Oda Projesi, il y a plus d'une seule
pierre d'achoppement. Par rapport au travail de curateur
dans un cadre institutionnel, il fait la lumière sur
le dilemme qu'est le fait de ne pas savoir comment
traiter de l'art contemporain issu des institutions
et de l'extérieur de celles-ci, et qui fait partie
d'espaces publics ou semi-publics et fonctionne à
travers un examen minutieux du quotidien. Etant donné
qu'Oda Projesi entretient un rapport plutôt distant
avec le système artistique et ne produit pas d'objets
ou d'images destinés à des expositions dans des institutions
artistiques, elles ont une relation indéfinie par
rapport aux expositions en tant que moyen de publicité
et en partie aussi par rapport aux institutions en
tant que lieux codés. Cela a été perceptible lorsque
la documentation du projet dans la ville de foire
de Riem fut montrée, comme suite de et discussion
sur celui-ci, dans le Kunstverein de Munich sous le
titre de The
Room Revisited.[17]
La situation en fut radicalement changée et Oda Projesi
fut ainsi désormais confronté à des observateurs extérieurs
n'ayant pas été en contact direct avec le projet.
La présentation fut adaptée à cette situation; outre
diverses formes de documentations les artistes conçurent
la pièce de façon à ce qu'elle ressemble à celle du
projet de la ville de Riem - une utilisation de l'espace
qui ne correspond pas au "White Cube".
Dans
le "Kabinett", un lieu d'intimité au milieu
de la cage d'escalier, dans la pièce spécialement
conçue comme galerie de la fin du 18ème
siècle, dont le sol était tapissé d'un
tapis, de tissus et de rembourrages, l'on montra
la vidéo de 14 minutes "Riem Rooms" sur
un moniteur. Sur le sol gisaient aussi de petites
photos à emporter, du matériel d'information officiel
venant de l'administration communale et un "cahier
de notes de la pièce", une documentation constituée
et photocopiée par les artistes avec un cahier de
notes que les visiteurs pouvaient également emporter.
De grandes photos de couleur de quelques-unes des
pièces dans lesquelles Oda Projesi avait travaillé
durant les dernières années, étaient accrochées au
mur à l'extérieur du "Kabinett". "The
Room Revisited" n'était ni une exposition ni, au sens plus stricte du terme, une
documentation basée sur les expériences de Oda Projesi
dans la ville de Riem. D'une certaine façon, "The
Room Revisited" paraissait déplacé, ce qui fut
également confirmé par quelques réactions tant de
la part du public que de la part de la critique artistique.
Plus
particulièrement depuis les années 1990, il y a eu
une série de tentatives de changer les espaces d'expositions
artistiques, de remettre en question le "White
Cube", et de le transformer en quelque chose
d'autre qu'en des "salles d'exhibition” strictes
et parfois autoritaires. Inspiré
par la culture de club et l'atmosphère des bars, ces
lieux furent entre autre transformés en des lieux
pour sortir ou pour glander -
des lieux non-dramatiques et détendus - mais aussi
en ateliers de couture, en studios de tatouages, en
agences matrimoniales, etc. Les lieux d'expositions
furent aussi utilisés comme bureaux et points de rencontre
d'activistes, assumant ainsi les fonctions de centres
communautaires ou de locaux culturels - souvent dans
le contexte de projets artistiques. L'initiative d'institutions
de financer et de produire des projets qui n'ont rien
ou que peu à voir avec l'espace physique de l'institution
est souvent négligée mais tout aussi importante quant
aux changements dans la manière dont les institutions
d'art contemporain sont perçues. De manière indirecte
mais tangible, elles contribuèrent ainsi à une érosion
de la conception conventionnelle de l'institution
en tant que lieux d'exposition d'objets d'art, en
soulignant les institutions comme structures de soutien,
de production et de dissémination à travers des canaux
alternatifs et à des endroits hors de ceux qui leur
sont propres. En bref, ils soutinrent une "dé-duchampification"
de l'institution.
Un an après mon travail avec
Oda Projesi et le projet de "The Room Revisited"
dans le Kunstverein de Munich, je suis encore préoccupée
par la question de savoir comment nous pouvons intégrer
ces formes de travail - très importantes - telles
que celle de Oda Projesi dans la programmation institutionnelle.
C'est du travail artistique, qui a lieu au sein du
champ artistique, mais qui ressemble à d'autres champs
d'actions sociaux voire même qui fait plutôt partie
de ces derniers. Evidemment, Oda Projesi ne discute
pas de ce qui est de l'art et de ce qui n'en est pas.
Au lieu de cela, les artistes profitent de l'avantage
de pouvoir travailler au sein même de ce champ particulier.
Leur travail se base sur un engagement régulier, à
long terme et une présence personnelle. Cependant,
lorsqu'ils sont invités par des institutions, ils
ne passent que très peu de temps à des endroits à
propos desquels ils ne savent le plus souvent que
peu de choses, ce qui présente souvent le danger de
la superficialité et des actions alibis. Devrions-nous
pour autant, face à tous ces dilemmes, livrer ces
formes de travail à elles-mêmes et aux quelques rares
organisations qui les soutiennent? Ou, devrions-nous
insister sur le fait d'y réfléchir et ainsi prendre
le risque de compromettre les travaux et de taper
sur les nerfs tant du grand public que des collègues?
Dans une telle situation,
les politiques institutionnelles ne devraient pas
être oubliées. La biographie du projet d'Oda Projesi
commença par la prise de contact de kunstprojekte_riem
avec le Kunstverein de Munich pour une demande de
coopération. Ce dernier faisait à l'époque l'objet
d'une forte pression politique, en vue d'attirer davantage
les regards du public au centre-ville de Munich. Nous
avons cité Oda Projesi comme possibilité intéressante,
surtout parce que nous n'étions pas parvenus à collecter
les fonds nécessaires à une action du groupe à Munich
dans le contexte de leur participation à l'exposition
de groupe "Exchange & Transform" (Titre
du travail) en 2002.[18]
kunstprojekte_riem décida finalement d'inviter Oda
Projesi et nous proposâmes aux deux d'organiser quelque
chose dans les pièces du Kunstverein de Munich. Ce
processus souleva la question de savoir dans quelle
mesure l'invitation d'artistes tels que ceux d'Oda
sert principalement à justifier le besoin de l'institution
de soutenir des travaux effectués dans des contextes
sociaux. Ma première réponse serait de soutenir le
travail dans son milieu d'origine, c'est-à-dire à
l'endroit d'où il vient, ce qui n'est pas bien vu
par les conseils d'administration et les mécènes,
qui attendent plutôt des activités dans des salons
d'expositions que dans des banlieues éloignées. Mais
en fait, je perçois "The Room Revisited"
comme un autre exemple montrant qu'Oda Projesi remet
sans cesse en question "à la manière de de Certeau"
l'utilisation conventionnelle des espaces. Tout comme
elles actualisent même l'espace institutionnel, à
travers l'organisation d'activités analysant des formes
ambivalentes ou parfois même incompatibles de l'utilisation
et de la conception d'espace.
[1] A ce moment, aucun atelier pour enfants ou autres personnes n'avait lieu ni dans des musées d'art ni dans d'autres musées.
[2] Belmin Söylemez a documenté Galata dans son film Windows. Oda Projesi se servit du film dans des expositions en tant que partie constituante de leur présentation de leurs activités, par exemple dans le cadre de l'exposition Exchange & Transform (titre du travail) au Kunstverein de Munich en été 2002.
[3] Cf. Michel de Certeau: L'invention du quotidien I: Arts de faire, Paris: UGE, 1988
[4] Ana Paula Cohen: Dispositiv Workshop – Teil 1: Oda Projesi, Drucksache Spring 03, Kunstverein München, 2003
[5] Suzanne Lacy: Mapping the Terrain: New Genre Public Art, Seattle, Washington: Bay Press, 1995, p.43. Lacy utilise le concept afin de discuter de différents projets réalisés aux Etats-Unis entre les années 70 et 90, de Adrian Piper aux Mujeres muralistas.
[6] Cf. par exemple Christoph Schäfer & Cathy Skene: Aufruhr auf Ebene p: St. Pauli Elbpark O-100%, dans : Marius Babias et Achim Könneke (éd.): Die Kunst des Öffentlichen, Amsterdam & Dresde: Verlag der Kunst, 1998. Park Fiction est une initiative activiste, crée par un groupe d'artistes et d'autres voisins, afin d'empêcher la gentrification du quartier de St. Pauli à Hamburg et surtout pour conserver un coin de verdure comme parc.
[7] Cf. par exemple Stephen Willats: Living Together, catalogue, Tramway, Glasgow, 1995.Bien qu'il se soit concentré sur la coopération et le processus, Willats produisit de l'art à orientation vers l'objet qui est régulièrement exposé dans les salles du type "White Cube”.
[8] Ana Paula Cohen, Dispositiv Workshop – Teil 1: Oda Projesi, Drucksache, Spring 03, Kunstverein München, 2003
[9] Cf. Michaela Pöschl, Hirschhorn's Wurst, dans: Kulturrisse 04/02, http://igkultur.at/igkultur/kulturrisse/1035718151/1035794739
[10]Le projet de Oda Projesi constituait la première partie de la série d'ateliers Dispositiv Workshop, réalisé à l'initiative du Kunstverein de Munich en 2003. Des artistes travaillant de diverses manières au sein de collectifs étaient invités à réaliser des projets à Munich avec des groupes de personnes qu'ils avaient choisis eux-mêmes. Les parties qui ont suivi étaient: Dispositiv Workshop, deuxième partie avec Annika Eriksson en automne 2003; Dispositiv Workshop, troisième partie avec Katya Sander en été 2004; Dispositiv Workshop, quatrième partie était un colloque portant sur des pratiques de collaboration avec des initiatives d'artistes et de curateurs venant de toute l'Europe au Kunstverein de Munich en été 2004; Dispositiv Workshop, cinquième partie avec Ruth Kaaserer en été 2004; et enfin Dispositiv Workshop, sixième partie avec Rirkrit Tiravanija: un projet de rétrospective en automne 2004.
[11] Deux de ces invitations venaient d'une institution à Istanbul, le nouveau musée d'art contemporain, Proje4L, à Gültepe, qui se situe entre le quartier des finances et un des quartiers appelés "quartier de maisons de 24 heures”, où l'on peut construire des annexes aux bâtiments sans permis de construire à condition que cela ne prenne pas plus de 24 heures. Le résultat de la première invitation a été que Oda Projesi a loué pour une durée de six mois un appartement dans un de ces bâtiments de 24 heures près du musée, où ils ont organisé des activités similaires à celle à Galata. La deuxième invitation mena à une coopération avec une école voisine pendant deux ans. Un des projets qui ont été réalisés avec l'école et ses élèves s'appelait Jump et était constitué d'une sorte d'enquête et d'une proposition quant à la façon dont l'espace du musée pourrait être utilisé. Des trampolines furent installés sur lesquels les enfants ainsi que les autres visiteurs pouvaient sauter comme ils le voulaient et tant qu'ils le voulaient. Une vidéo documentant l'action fut ensuite montrée à l'école. Un peu plus tard, au printemps 2002, Oda Projesi participa à la biennale de Gwangju en Corée du Sud, où ils reconstruisirent l'appartement de Galata en taille réelle dans la salle d'exposition. Chaque pièce fut utilisée dans un autre but: la pièce du milieu servait par exemple de salle d'activités pour un atelier de cinq jours avec des élèves de l'école anglophone. Ensuite les visiteurs pouvaient utiliser les pièces à leur guise.
[12] Kunstprojekte_Riem était un projet ambitieux, dans lequel la ville de Munich, grâce à la collaboration de Madame le curateur Claudia Büttner, passait commandes de projets artistiques dans et pour un nouvel H.L.M. sur le terrain de l'ancien aéroport.
[13] Nicolas Bourriaud: ‘An Introduction to Relational Aesthetics', dans Traffic (catalogue), Bordeaux: CAPC Musée d' Art Contemporain, 1995. Cette longue description en indirecte comprend des artistes tels que Angela Bulloch, Dominique Gonzalez-Foerster, Jorge Pardo, Dan Peterman, Henrik Plenge Jakobsen, Rirkrit Tiravanija et d'autres dont la plupart travaillent dans un contexte institutionnel.
[14] Cf. Nina Möntmann: Kunst als sozialer Raum, Cologne: Verlag der Buchhandlung Walther König, 2002. Tandis que Tiravanija expose la plupart de ses œuvres, qui comprennent souvent des espaces ou des architectures, dans des institutions artistiques utilisées d'une façon qui ne leur est pas habituellement propre, les participants à Oda ont travaillé plus rarement dans de tels contextes.
[15] Cf. Christian Kravagna: Modelle partizipatorischer Praxis, dans: Marius Babias et Achim Könneke (éd.): Die Kunst des Öffentlichen, Amsterdam et Dresden: Verlag der Kunst, 1998
[16] La question du contexte apparaît ici aussi au-delà de l'institution, jusqu'au point mis en avant par le concept d' "art contextuel" (concept créé en 1993 par Peter Weibel pour une exposition portant le même titre) dans l'environnement germanophone, qui fut surtout attaqué par les milieux artistiques de gauche de Cologne. L'on pourrait considérer l'art contextuel comme équivalent allemand de la dite "esthétique relationnelle", dont le caractère politique et académique est cependant de nature plus programmatique. Tous deux partent d'un concept plus dynamique de l'art, dans lequel le contexte est activement pris en compte et dépasse souvent le lieu d'exposition. Quelques-uns des artistes que Christian Krawagna cite comme étant de "bons" exemples, ont été associés à l'art contextuel. Cf. Peter Weibel: Kontextkunst – Kunst der 90er Jahre, Cologne, DuMont Verlag 1994
[17] The Room Revisited, Kunstverein München, du 5 juin au 31 août 2003
[18] Cf. note 2