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08 2015

Très chers ami(e)s!

Abdel Hafed Benotman

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Une lettre d’Hafed publiée dans l’Envolée N°14, en juillet 2005. Lorsque quelques hommes en armes et autres magis-rats, avaient jugé bon de le recoller au placard pour quelques vols …

Mettez un homme en prison, il en sortira toujours … quelque chose … de bon ? Oui puisque vous êtes là et je vous en remercie tous et toutes. Que vous dire? Sinon tenter de vous expliquer la simplicité de ce qui m’est arrivé.

Certains de mes amis (e)s ont été surpris, peinés, choqués par ma récidive mais aucun n’a été déçu puisque la déception porte en elle un jugement et l’amitié ne juge pas. Il y a eu des questions comme : il est con ou quoi ? Souffrirait-il du syndrome de Stockolm au point d’aimer la prison ? Est-il fou? Il aurait pu prendre des précautions, non ? Toutes ces questions sont légitimes si on les résume à celle-ci, paradoxe absurde : serait-il fondamentalement honnête ? Au point que son mépris des cagoules, des masques, des salles de conseils et de délibérés des ministères et des confessionnals … l’écoeure.

C’est là-dedans que s’inscrit, non pas ma récidive mais ma continuité. Ma présence en prison est une façon radicale de dire NON. Lorsque je suis sorti de prison, on ne m’a pas demandé d’être réinsérable mais d’être recyclable. On m’a demandé aussi d’aller mendier un temps d’identité à la préfecture de police. Pour adoucir ce dressage on m’a titré du statut d’écrivain.

Ecrivain ? Drôle de mot. J’ai essayé mais j’ai rencontré des TIS (Thénardiers du Théâtre Social) avec 400 000 fcs à la clef pour mettre sur scène des pauvres capturés dans la grande réserve de la misère sociale … Des pauvres bénévoles.

J’ai dit NON. Pas parce que je suis écrivain mais parce que je me suis heureusement souvenu que j’étais un voleur et non in voyou. La différence? Un grand sociologue dont je tairais le nom par modestie et pudeur a dit « les voyous autodidactes qui n’ont pas fait l’ENA ont des ambitions bourgeoises alors que les voleurs n’ont que des rêves d’enfant ».

Et à propos d’enfant, je me souviens de ce jour du mois de mai 1967 où, me promenant avec mon père, j’écoutais le brave homme me donner des conseils d’existences. Déjà à l’époque, je savais que c’est l’état d’esprit qui donne la vision du monde. Papa donc me montra un oiseau dont le bec s’ornait d’une brindille. Il lâcha, parole du code pénal, ce proverbe : « petit à petit l’oiseau fait son nid… » Moi, ébahi par cette révélation, je répondis plein d’admiration : « sauf le coucou ». Mon père hurla derechef : « Petit à petit l’oiseau fait son nid … » J’hurlais de plus belle : « Quand le nid est fini l’oiseau est mort!!! » De ce temps date mon amour pour les coucous, les pies et les frégates.

Comme tous les êtres humains l’envient, le rêve de « voler » se fit en moi. Je me sentis pousser des ailes, un bec et des serres rien que d’évoquer le mot rapaces. Plus tard me viendrait la tendresse pour les pigeons et les faisans. je me voyais même plus tard travailler, exerçant ce beau métier de … de? Hum … de : Dentiste!!! … pour les poules. J’acceptais même l’idée de faire l’autruche en faisant mienne la maxime d’un grand philosophe dont je tairais le nom par pudeur et modestie qui conseille ceci : « Quand tu fais l’autruche, pense à protéger ton cul »

Enfin aujourd’hui l’oiseau est en cage et que me reste-t-il, sinon ma voix.

J’imagine bien que parmi vous certains ne me connaissant ni de Rachid ni de Zorla doivent se dire : « Pourquoi filer du fric à cet enfoiré de pilleur de banques ? » Je te répondrai ceci mon frère, en vérité « et pourquoi pas ? » Quand je pense aux 760 millions de dollars que vous allez payer pour le Crédit lyonnais … Ne vous ai-je pas vengé un peu ??? Oui mes frères et soeurs, beau-frères et belle-soeurs, frères et soeurs adoptives, il est temps que je pense de penser une nouvelle pensée en y réfléchissant bien !!!!

Non ce n’est pas de la langue de bois. Je ne me risquerais pas à la langue de bois alors que je sais que vous avez les oreilles en taille-crayons ! Ne croyez pas que je commence ici une future carrière de gourou ! Nenni, nenni! Il me faut juste un ordinateur (nous verrons ensemble le mois prochain pour l’imprimante). Et pourquoi donc ? Pour écrire un épisode de Navarro ? Non ! De Julie Lescaut? Non! Pour vous écrire des livres afin de reprendre le flambeau des anciens.

Bien-sûr, je ne suis pas Genêt, ni Verlaine, ni Sade, ni… ni, mais… je suis un être humain. N’ai-je pas deux bras, deux jambes, deux yeux, deux narines, deux testicules ? Oui, certains jaloux se disent qu’il a tout en double et c’est souvent le reproche qu’on me fait… mais blague à part, n’a-t-on pas le droit à un nardin’ateur? Une imprimante ? Un scanner ? Et une petite rente mensuelle pour l’encre et le papier ? hein ? J’ouis des protestations? Je concluerai sur les mots de Fernandel qui donna cette réplique dans je ne sais plus quel film où il escroquait autrui : « Enfin pour avoir de l’argent? Il faut bien le prendre à quelqu’un ! »

J’aimerai remercier tous ceux et celles dont le nom commence par A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X YZ, en espérant que je n’oublie personne. 

Hafed emprisonné, Hafed martyrisé, Hafed assoifé, mais un jour, Hafed libéré.

Hafed

Ce texte est publié sur et volé du site web de l'Envolée.