11 2006
Traite des Noirs et Esclavagisme
Points aveugles de la pensée française
Les débats actuels sur les lois dites "mémorielles", la "repentance" et le "fait colonial" en France ont relancé de manière singulière ce qui sous-tend le propos même de ce colloque[1]: quel a été le poids de la colonie dans l’organisation du monde? ("poids" dans le sens d’avoir infléchi le politique, le culturel, l’économique, le droit). On observe un profond désaccord sur la manière de traiter le fait colonial, esclavagiste et post-esclavagiste. Deux écritures de l’histoire s’affrontent, l’une qui dit viser la "vérité scientifique" s’appuyant sur une "autonomie" du chercheur, sur une division claire entre mémoire et histoire, la première soumise à des réécritures, appartenant au monde du subjectif, de l’émotionnel, la seconde s’écrivant dans le calme des archives, loin des rumeurs du monde. Elle s’interroge peu sur les conditions de sa production, et ses arguments de l’autonomie du chercheur et de la division mémoire/histoire rejettent tout le travail des trente dernières années; la méthodologie qui privilégie le social et l’économique sur le culturel et le politique (reste d’un marxisme orthodoxe) en est un sous-chapitre. Idéologique, défendant une certaine idée de la République, elle illustre de manière assez claire l’impasse méthodologique et critique dans laquelle ces événements –conquête coloniale, colonialisme, luttes de libération nationale – sont tenus depuis bien longtemps en France.
La seconde forme d’écriture de l’histoire cherche à s’interroger sur les conditions de sa production, privilégie les lectures et les regards croisés, s’intéresse aux autres archives que celles estampillées "archives officielles,"; elle admet que l’écriture de l’histoire est un terrain conflictuel, où des intérêts divergents s’affrontent et où la "vérité" est le résultat d’une négociation soumise à l’épreuve du temps, à la découverte de nouvelles archives, à des déplacements de paradigmes. Elle s’inspire de tout le corpus des études post-coloniales, comme des travaux critiques en philosophie, histoire et anthropologie que l’on a appelé post-structuralisme et postmodernisme.
Cette opposition entre deux écritures de l’histoire n’est pas nouvelle – elle a eu lieu quand il s’est agi d’écrire l’histoire des femmes, des ouvriers, des subalternes dans les récits des indépendances nationales –, mais le fait qu’elle resurgisse de manière assez violente à l’occasion d’une demande de révisions du récit national français, demandes exprimées par des groupes qui veulent redonner à l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions, et à celle du colonialisme, leur place dans le récit national français et dans la constitution de la modernité, est suffisamment intéressante pour justifier d’être mieux comprise.
L’enjeu, cependant, ne consiste pas seulement à revendiquer le prise en compte "d’histoires mineures", de démocratiser de manière "multiculturelle" l’histoire ou de jouer des histoires contre l’Histoire. On assiste aujourd’hui, j’estime, à une entreprise de déligitimation de ces émergences par une partie de l’institution universitaire qui dispose de relais importants dans la presse et l’édition. Plus qu’un désaccord de méthodes, j’analyse cette campagne comme une tentative de refuser de comprendre comment et pourquoi s’est constitué un point aveugle dans la pensée française, comment et pourquoi la question coloniale (esclavagiste et post-esclavagiste) fait nœud dans la conscience nationale. Il n’y a pas complot, il y a conflit, conflit autour d’une approche du politique, du conflit. Il n’y a pas complot – des livres sont publiés, des recherches entreprises – il y a divergence entre des manières d’appréhender ce que fut la colonie et ce qu’est la postcolonie. Il n’y a pas complot, il y a désaccord.
Quand je parle de désaccord, je parle de la façon même de concevoir l’écriture de l’histoire et la formation de concepts tels que citoyenneté, nation, colonie, décolonisation, luttes pour l’indépendance… C’est ce mouvement de constitution qui fait l’objet spécifique de la recherche historique. L’étude de ce qui constitue la colonie en tant qu’espace externe au sol national, et dans le même mouvement la "décolonisation", éclaire le mouvement de constitution, de production de cet espace. La théorie postcoloniale nous invite à "problématiser les frontières qui organisent les cartes mentales des historiens".[2] Ces frontières sont rarement remises en question, révélant un nationalisme culturel qui conduit à négliger des espaces-temps, spécifiquement celui de la colonie. L’ordre du discours et des silences organise le champ historique, voir par exemple le silence sur la Révolution haïtienne dans les récits historiques du 18ème siècle.[3] Mais elle nous invite aussi à ne pas investir une confiance absolue dans la possibilité de récupérer la voix des subalternes dans les archives coloniales ou nationales.
Une série d’ouvrages récents – Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale, 2006, Romain Bertrand, Mémoires d’empire. La controverse autour du ‘fait colonial’, 2006, René Rémond, Quand l’Etat se mêle de l’histoire, 2006, Pascal Bruckner, La Tyrannie de la repentance, 2006, Jean-Pierre Rioux, La France perd la mémoire. Comment un pays démissionne de son histoire, 2006 – de dossiers spéciaux dans des revues hebdomadaires et des revues spécialisées, de tables rondes à la télévision et sur les radios ont redessiné le terrain cherchant à masquer le conflit politique en mettant en scène un conflit méthodologique: d’une part des chercheurs soumis à "l’actualité" et la pression de groupes "mémoriels" et de l’autre, des chercheurs autonomes soucieux de la vérité. L’intérêt supérieur de la Nation demanderait que l’on laisse cette histoire au silence des archives et aux historiens, seuls capables de débrouiller le fil des choses. Cette entreprise de déligitimation, de disqualification, de recherches comme de celles et ceux qui les portent, s’appuie en outre sur une opposition forte qui existerait entre mémoire et histoire, la mémoire étant mise du côté du domaine du subjectif, de l’impensé, de l’hystérie, de l’irrationnel, de la parole, l’histoire du domaine de la Raison, de l’objectif, de l’archive écrite.
Un tel recul méthodologique ne peut se comprendre que si l’on analyse les enjeux culturels, sociaux et politiques qui sous-tendent le débat. En effet, ce dont il est question, c’est la traite négrière, l’esclavage et la conquête coloniale (appelée "colonisation", je reviendrais sur ce glissement sémantique), toutes choses que l’on voudrait mettre au compte d’un passé entièrement révolu. Conseils psychologiques (il faut savoir faire le deuil, disent Rioux et Rémond), ou politiques (vous oubliez le social, disent Bertrand et Lejeune) contribuent à leur tour à la déligimation de toute une série d’interventions, car ces dernières sont renvoyées à un mal être ou un aveuglement. Rien de légitime donc, semble-t-il, dans ces interventions.
Nous assistons à une tentative de maintenir une écriture de l’histoire qui tente de préserver une image de la France qui serait garante de l’unité nationale (conception nationale de l’histoire qui va de la Gauche à la Droite), et dans ce récit, tout le colonial est inscrit dans une linéarité où l’histoire se diviserait entre "pages d’ombre et de lumière", cette expression creuse qui transforme l’histoire en un paysage où quelques ombres planent. Ces zones d’ombres, si l’on veut poursuivre la métaphore, sont cependant habitées de spectres et de vivants, ce ne sont pas des zones vides où il suffirait d’apporter la lumière pour rendre le paysage plus riant. Ces spectres et ces vivants ne sont pas "hors" territoire national, ils l’habitent tout aussi légitimement que ceux qui s’en autoproclament les citoyens autorisés. Il ne suffira pas d’éclairer ces zones d’ombre mais aussi de comprendre comment elles ont été constituées, comment et pourquoi ceux qui les habitent y ont été menés, comment et pourquoi ceux qui les habitent en viennent à réclamer de rejoindre la cité, ou d’en construire une nouvelle.
L’esclave est un habitant de cette zone d’ombre, spectre à jamais renvoyé au passé, interdit de présence dans la nation française. Or, l’esclave hante la constitution des fondations de la France. On ne veut pas aujourd’hui revenir sur le processus de racialisation de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, quand au "tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits", on ajoute, mais silencieusement un "sauf quelques-uns". On veut faire croire que ce "sauf quelques-uns" serait le fait de quelques colons qui se seraient ainsi exclus du corps national. Cette séparation entre hommes blancs civilisés qui vivraient en métropole, hommes blancs "décivilisés" qui vivraient aux colonies et les "indigènes", ces sous-hommes qui s’excluent d’eux-mêmes de la communauté des égaux, est visible déjà sous l’esclavage et se poursuit dans la colonie post-esclavagiste. L’ouvrage de Pierre Nora, Les Français d’Algérie, exemplifie cette constitution de groupes par un vocabulaire qui désigne ceux qui seraient le plus près du progrès et ceux qui en seraient les plus éloignés. Ce vocabulaire colonial de la mission civilisatrice républicaine continue à hanter le politique français.
La délimitation d’une territorialité est fondatrice de l’Etat-Nation: il faut en tracer les frontières. Ici, les citoyens, là les étrangers. C’est à l’intérieur de ce territoire que les citoyens français ont des droits, que s’écrit le récit national. Citoyenneté, récit national et territorialité sont en relation. Or, la colonie, esclavagiste et postesclavagiste, a été renvoyée à de l’extra-territorialité, au dehors du corps national, et les victimes de l’esclavage et du colonialisme expulsées comme naturellement du "territoire des droits". Hanna Arendt en avait parlé dans son livre sur le totalitarisme, et ses propositions théoriques ont ouvert la voie à tout un corpus, où l’on peut citer Achille Mbembe, Ann Laura Stoler, Edward Saïd, Michel Foucault, ou Sassia Sasken. Tous expliquent combien il est impossible de comprendre notre présent si nous ne nous penchons pas sur l’histoire complexe et conflictuelle des droits et de leur territorialité. Devenir membre d’une communauté politique n’est pas donné naturellement.
L’histoire de l’outre-mer n’appartient toujours pas à l’histoire nationale; elle existe en marge, en ajout. L’esclavage y constitue un chapitre qui appartiendrait au passé à tel point que dans le débat actuel sur la loi Taubira, on peut entendre que s’il est légitime de vouloir en étudier l’histoire, en évoquer la mémoire témoignerait d’un attachement névrotique au passé, d’une confusion entre passé et présent, d’un désir de manipuler l’histoire. C’est bien mal connaître cette histoire. Mais c’est aussi, pour des buts révisionnistes, consciemment négliger des contributions qui ajoutent au savoir, qui militent pour la recherche scientifique.
Ainsi, tous les historiens qui s’en prennent à la loi Taubira ignorent délibérément le rapport du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage, mis en ligne dès mai 2005 et paru sous forme d’ouvrage fin 2005. Ils reviennent sans cesse à la demande de poursuites judiciaires par le Comité des Antillais, Guyannais et Réunionnais, début 2005, d’Olivier Pétré-Grenouilleau, auteur du livre, Les traites négrières, publié chez Gallimard, et aussitôt salué par la critique, primé plusieurs fois, et désormais affublé, dès qu’on en parle "d’ouvrage unanimement salué par ses pairs" donc fortement légitimé (Cette poursuite a été retirée début 2006). Je n’approuve absolument pas ce genre de procès, et je cherche à analyser les conditions d’émergence d’une juridicisiation de l’histoire, mais je m’intéresse aussi à la manière dont l’histoire de cet incident s’est écrit et s’est inscrit depuis comme "vérité". Ce jeu en miroirs où une association dite "communautaire" nourrit l’indignation vertueuse d’historiens, a interdit toute lecture critique de cet ouvrage qui pourtant le méritait, d’autant plus qu’à la lecture du livre finalement traduit en français, en 2006, de Lord Hugh Thomas, La Traite des Noirs, on peut remettre celui de Pétré Grenouilleau à sa juste place dans la longue historiographie de la traite atlantique. Il s’agit encore de comprendre comment se constitue un champ de légitimation sur le fait colonial, et d’en interroger les conditions de production.
Dans l’historiographie officielle française, la fin de l’esclavage colonial est présentée comme un moment inévitable de l’histoire où la France remplit finalement son rôle de patrie des droits de l’homme. Dans ce récit téléologique, où tout s’ordonne selon un scénario dont les conséquences politiques n’émergent qu’aujourd’hui, les abolitionnistes français occupent une place centrale. En 1848, la France tourne le dos à son passé esclavagiste. Pour les besoins d’un récit national où la France ne peut perdre la face, on balaye ainsi tout un pan de l’histoire.
Or, la conversion de l’esclavagisme en histoire qui aurait pris corps "là-bas", dans "l’outre-mer", sans rapport avec l’histoire nationale a conduit de nombreux historiens et sociologues à une cécité sur des émergences actuelles de revendications culturelles et sociales dans l’espace public. Ces revendications sont rejetées à la marge, qualifiées de demandes "communautaristes". Cette conception de deux temporalités et de deux espaces qui s’excluraient s’ajoute à une conception territorialisée de l’histoire nationale; sa géographie est une géographie dont les frontières remontent au 18ème siècle. Le récit national respecte le territoire et la géographie des royaumes et des guerres révolutionnaires sur le continent. Jamais de "France d’outre-mer." C’est une des raisons de l’omission que l’on pourrait qualifier de systématique du colonial dans le national. Que je sois claire: la colonie est présente, mais ce sont les liens entre colonial et national qui sont marginalisés.
Si l’on part de ces remarques, on ne peut pas parler du colonial (esclavagiste et post-esclavagiste) et du post-colonial (profondément mal compris en France) sans admettre la nécessité de croiser les récits, les regards. Pour reprendre la remarque d’Homi Bhabha, "L’héritage matériel de cette histoire refoulée s’inscrit dans le retour des anciens colonisés en métropole. Leur présence même transforme la politique de la métropole, ses idéologies culturelles et ses traditions intellectuelles, dans la mesure où – ayant fait à leurs dépens l’expérience de la colonisation –, ils bousculent certains des grands récits métropolititains sur le progrès et l’ordre public, et mettent en question l’autorité et l’authenticité de ces récits".[4]
Cette approche est loin d’être partagée, elle est même perçue comme dangereuse pour la république ou pour la lutte de classes. Pour l’historien Daniel Lefeuvre, les "Repentants", une sorte de secte aux contours flous, jetterait "aux orties la fracture sociale", oublierait "la lutte des classes" et ferait du passé colonial la seule grille de lecture du présent.[5] Lefeuvre prouve l’erreur des "Repentants" en insistant sur l’argument comptable sans comprendre que ce dernier est un contre argument à sa propre démonstration: la colonie n’aurait rien rapporté à la France en termes économiques, elle lui aurait même coûté très cher, démontre-t-il. «Il n’est pas exclu", écrit Lefeuvre citant l’économiste Paul Bairoch, "que l’entreprise coloniale ait nui au développement économique de la France, plus qu’il ne l’aurait favorisé".[6] La France n’aurait rien gagné aux colonies et si ses armées ont commis quelques exactions, celles-ci ont rapidement été compensées par les progrès apportés.[7] Mais si justement la France n’a rien gagné économiquement aux colonies (ce qui reste controversé), c’est bien qu’il y avait d’autres bénéfices au colonialisme, que ces derniers ne relevaient moins de l’économique que du psychologique, du culturel ou du politique.
Jean-Pierre Rioux, dans son ouvrage La France perd la mémoire, propose une autre analyse du phénomène. La "fracture ou le hiatus", écrit-il, "que nous vivons aujourd’hui à propos de la colonisation et de l’esclavage dans le cours de la mémoire française procèdent plutôt des 'trous' de mémoire en métropole comme chez les descendants de victimes, tant ils rameutent des souvenirs souvent confus et disparates, parfois reconstruits, toujours exigeants et même vindicatifs, mais dont la somme ne fait pas une mémoire."[8] S’il reconnaît la légitimité des demandes des descendants d’esclaves pour "affirmer leur fierté collective; pour affermir la chaleur communautaire dont ils rêvent ou qu’ils veulent retrouver; pour débattre de l’autonomie sociale et culturelle que la république pourrait mieux le réserver", Rioux conclut cependant que "rien, en tout cas, ne nécessite de convoquer en priorité un passé dont, tout au contraire, il faudra bien songer un jour à entamer le deuil". Cette convocation est dangereuse car le "passé colonial est un argument et un habillage pour mettre en cause le pays d’accueil ou sa nationalité"[9]. Ce qui est contesté, ce serait l’utilisation du passé pour expliquer le présent mais cette contestation est un "habillage", pour reprendre ce terme, un habillage pour masquer la constitution de l’argument dont le but est de construire un récit où se disent les excès pour en diminuer aussitôt les effets. Certes, l’esclavage est condamnable, mais il faut tout de même dire que les Africains et les musulmans ont fait pire! Est-ce un crime contre l’humanité? Est-ce juste de parler de ce passé qui n’a laissé aucun survivant? Certes, il y a eu des exactions à la colonie, mais une fois ces excès dépassés, la colonisation n’a t-elle pas apporté des progrès?
Le vocabulaire de l’idéal colonial éducatif et d’une bonté inhérente à la mission de colonisation avait convaincu le colonisateur de sa supériorité. Sa langue était celle de la civilisation et de l’ordre. Mais le colonisé ne s’est pas privé de retourner, avec ironie ou moquerie, le vocabulaire du colonisateur pour lui en montrer les limites, les oublis et les faces d’ombre. La longue histoire du monolinguisme colonial sourd aux autres langues, redoutant le contact, refusant la créolisation, ne doit pas faire oublier l’histoire de l’appropriation par l’esclave, le colonisé de la langue de l’Autre, et de sa transformation, l’histoire de la traduction en situation des mots qui disaient la liberté et l’égalité.
L’esclave et le colonisé entendaient le français, mais de quelle oreille? Celle d’un étranger qui dans le même temps forgeait sa propre langue, le Créole, mais se saisissait du Français pour retourner contre l’oppresseur ses propres mots, lui faire voir combien ses actes contredisaient ses principes, son vocabulaire, sa prétention à l’universel. La loi esclavagiste prévoyait d’arracher la langue à l’esclave pour le punir, de le bâillonner, de le museler, de lui interdire la parole en public. Il ne fallait pas qu’il parle car alors n’aurait-il pas maudit le maître, dénoncé l’abus? Cependant, les esclaves comme les colonisés vont s’emparer de la langue française et la "dénationaliser". Elle devient une langue trans-continentale, trans-nationale, déracialisée, qui rejette un quelconque lien entre langue et droit du sang. Il ne s’agit pas d’une simple "tropicalisation" des termes, mais d’une réappropriation qui rejette l’ethnicisation opérée par le discours colonial qui a instauré une analogie entre "Blanc" et "libre", entre "Blanc" et "citoyen".
Les colonisés s’emparent du vocabulaire de la Révolution française et les Lumières pour attaquer les privilèges exorbitants de la classe possédante. Les colonisés utilisent le vocabulaire républicain en le dénationalisant, en lui redonnant son caractère universel. Mais aujourd’hui, cet idéal républicain est écorné; il n’a pas rempli ses promesses, mais surtout a montré de nouveau ses limites à la lumière des récentes transformations sociales, économiques et culturelles, toujours cet amour des principes et ce mépris du pragmatisme, cet universalisme abstrait et ce soupçon envers les différences.[1] Polture and Culitics. On political prospects of cultural translation, Paris, 12–14 octobre 2006, http://translate.eipcp.net/Actions/discursive/paris2006
[2] Sandro Mezzadra, "Temps historique et sémantique politique dans la critique post-coloniale", Multitudes, Automne 2006, 26, pp. 75-94, p. 84.
[3] Voir à ce sujet, Françoise Vergès, La Mémoire enchaînée. Questions sur l’esclavage. Paris: Albin Michel, 2006 et Michel Rolph Trouillot, Silencing the Past. Power and the Production of History. New York: Beacon Press, 1995.
[4] Homi Bhabha "Le tiers-espace. Entretiens avec Jonathan Rutheford" Multitudes, Automne 2006, pp.95-108, p.104.
[5] Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale. Paris: Flammarion, 2006, p.219.
[6] Ibid, p.134.
[7] voir, pages 64-65, et 169-170.
[8] Jean-Pierre Rioux, La France perd la mémoire. Paris: Perrin, 2006, p.141.
[9] Ibdi, p.147.